C’est vous qui le dites ! – Les coups de cœur de Laurine Valenheler

Présentation de la rubrique ici !

Aujourd’hui, c’est une auteur (mon retour sur son premier roman ici) et correctrice qui nous livre ses coups de cœur. Laurine, c’est une personnalité entière et passionnée, qui aime le partage autour de la lecture et qui n’hésite pas à s’exprimer quand elle en ressent le besoin, tant pour un coup de cœur que pour un coup de gueule, et cette authenticité, désarmante, me plaît beaucoup ! Aujourd’hui, c’est en tant que lectrice assidue qu’elle se confie à nous !

Qui es-tu et où peut-on te suivre ?

https://www.instagram.com/laurinevalenheler/?hl=fr

Si l’on se fie à mon jeune âge, on pourrait penser que je n’en suis qu’aux balbutiements de ma vie de lectrice, mais j’ai passé le cap des 1000 livres lus en 2020. L’avantage de commencer à lire à un rythme soutenu lorsqu’on est très jeune, c’est qu’on se donne l’occasion de vivre plusieurs vies de lecteur. En ce moment, je sens que je suis à l’aube d’une transition… Après avoir énormément lu dans le but de me forger une culture la plus exhaustive possible de certains genres (et notamment le genre noir), je suis arrivée à saturation et ne souhaite plus butiner comme j’ai pu le faire ces deux dernières années. Je désire lire moins, mais lire mieux. En fait, j’aurais presque envie de dire que je n’ai plus envie de pratiquer la « lecture récréative » : je veux de la radicalité, des livres qui me bousculent, qui me marquent, qui modifient ma perception des choses et du monde et laissent leur empreinte en moi… un peu comme ceux-là ont pu le faire :

Parlons de tes coups de cœur !

           « Un Tramway nommé Désir » – Tennessee Williams (1947)

           

Un classique du théâtre américain, popularisé par l’adaptation cinématographique d’Elia Kazan avec Vivien Leigh et Marlon Brando. Un tramway nommé Désir dépeint les mécanismes de la décrépitude humaine, affective, familiale et sociale avec une exactitude hypnotique.

J’ai toujours aimé le théâtre, et j’en lisais énormément adolescente. Tennessee Williams, en plus d’être un virtuose de la réplique, me laisse toujours interdite face à un tel talent. La Chatte sur un toit brûlant, La Ménagerie de verre et Soudain l’été dernier font également partie de mes pièces favorites.

Résumé : Heureuse en ménage avec un ouvrier d’origine polonaise, Stanley Kowalski, Stella, d’extraction plus noble, voit arriver dans son minable appartement à La Nouvelle-Orléans sa sœur, Blanche DuBois. Ce qui ne devait être qu’une halte de quelques jours se transforme en un long séjour qui n’en finit plus. L’intrusion de cette femme dans la vie si tranquille de Stanley va le pousser à percer à jour les secrets de sa belle-sœur…

            « Vipère au poing » – Hervé Bazin (1948)

           

Un des plus beaux classiques de la littérature du 20ème siècle, si ce n’est le plus grand à mes yeux.

La première fois que j’ai lu Vipère au poing, j’avais 13 ans et c’était dans le cadre d’une lecture obligatoire au collège. Je l’ai détesté d’emblée, sûrement à cause de la scène d’ouverture (il en faut peu pour froisser une ado très attachée à la défense de la cause animale…), et il m’a été impossible de me départir de cette première impression dès lors que je me suis embarquée dans la suite du récit : le rejet était acté. Il m’aura fallu tomber, complètement par hasard, sur une rediffusion télé de l’adaptation cinématographique de Philippe de Broca avec Jules Sitruk, Catherine Frot (absolument magistrale dans le rôle de Folcoche) et Jacques Villeret dans les rôles-titres pour me demander ce que j’avais bien pu rater dans le livre tant je me suis sentie clouée sur place par ce duel froid et cruel entre Brasse-Bouillon et Folcoche, ses enjeux et la tension psychologique qui en résulte. Alors je l’ai relu une première fois, et j’en ai eu la confirmation : mon désamour pour Vipère au poing, pour sa langue absolument splendide, n’était bien qu’un pêché de jeunesse. À chaque relecture il me semble plus beau, plus grand encore, à tel point que je crains de pulvériser un plafond de verre pour le prochain round…

            Résumé : Vipère au poing, c’est le combat impitoyable livré par Jean Rezeau, dit Brasse-Bouillon, et ses frères, à leur mère, une femme odieuse, qu’ils ont surnommée Folcoche. Cri de haine et de révolte, ce roman, largement autobiographique, le premier d’Hervé Bazin, lui apporta la célébrité et le classa d’emblée parmi les écrivains contemporains les plus lus.

            « Aristote et Dante découvrent les secrets de l’univers » – Benjamin Alire Saenz (2012)

           

Ce bijou de poésie ne saurait être réduit à l’étiquette de roman jeunesse qu’on pourrait lui prêter. Même celle de roman jeunes adultes, ou n’importe quelle autre, me semblerait infiniment réductrice. Il y a des chefs d’œuvre qui transcendent toutes les étiquettes possibles, et à mon sens, celui-ci en fait partie. Une claque sociale et claque littéraire. On m’avait vanté la qualité du roman pour son intrigue et ses personnages, certes époustouflants, mais à mon avis, c’est la plume ô combien poétique et légère de l’auteur qui fait toute la différence… Rien qu’en repensant à Ari et Dante, j’ai juste envie de sourire.

Résumé : Ari, quinze ans, est un adolescent en colère, silencieux, dont le frère est en prison. Dante, lui, est un garçon expansif, drôle, sûr de lui. Ils n’ont a priori rien en commun. Pourtant ils nouent une profonde amitié, une de ces relations qui changent la vie à jamais…

            « La Deuxième femme » – Louise Mey (2020)

           

Perfection, c’est un mot qui devrait être interdit quand on essaie de parler d’un roman, parce que la perfection n’existe pas et n’est de toute façon que subjectivation. Mais là, il n’y a que ça qui me vient. Ça, et justesse. Juste, absolument juste, absolument parfait. Perfection, pour parler d’un roman qui illustre la chute vers l’abominable et l’immonde… sacré paradoxe tout de même.

La Deuxième femme, c’est l’histoire d’un cercle vicieux qui tend à prouver qu’éduquer (au sein de la famille, mais aussi au sein de la société) quelqu’un à l’autodépréciation précipite sa chute et ne pourra qu’engendrer de lourds dégâts à long terme.

C’est l’histoire de la terreur dans ce qu’elle a de plus vrai, sans aucun artifice de type cinématographique, c’est l’horreur du quotidien.

C’est l’histoire de la violence. C’est l’histoire d’une femme, et de ce qu’est être une femme.

C’est l’histoire d’une fiction qui ne l’est pas.

Ce roman, c’est de la littérature noire qui mérite d’être nommée « littérature ».

Il n’y a pas de mot assez fort pour exprimer à quel point j’ai aimé ce roman, à quel point il m’a tenue en apnée au-delà même de l’exercice de style qui m’a bluffée.

Résumé : Sandrine ne s’aime pas. Elle trouve son corps trop gros, son visage trop fade. Timide, mal à l’aise, elle bafouille quand on hausse la voix, reste muette durant les déjeuners entre collègues.

Mais plus rien de cela ne compte le jour où elle rencontre son homme, et qu’il lui fait une place. Une place dans sa maison, auprès de son fils, sa maison où il manque une femme. La première. Elle a disparu, elle est présumée morte, et Sandrine, discrète, aimante, reconnaissante, se glisse dans cette absence, fait de son mieux pour redonner le sourire au mari endeuillé et au petit Mathias.

Mais ce n’est pas son fils, ce n’est pas son homme, la première femme était là avant, la première femme était là d’abord. Et le jour où elle réapparaît, vivante, le monde de Sandrine s’écroule.«

            « En attendant Bojangles » – Olivier Bourdeaut (2017)

           

La grande force de ce roman, au-delà de ses personnages excentriques, c’est son écriture au cordeau, aussi douce que puissante, aussi volubile que contenue… C’est aussi ce qui fait que ça passe, ou que ça casse.

Une ode à la folie que je pourrais relire à l’infini, pour rayonner d’un peu de soleil les jours de pluie.

Résumé : Sous le regard émerveillé de leur fils, ils dansent sur «Mr. Bojangles» de Nina Simone. Leur amour est magique, vertigineux, une fête perpétuelle. Chez eux, il n’y a de place que pour le plaisir, la fantaisie et les amis.

Celle qui donne le ton, qui mène le bal, c’est la mère, feu follet imprévisible et extravagant. C’est elle qui a adopté le quatrième membre de la famille, Mlle Superfétatoire, un grand oiseau exotique qui déambule dans l’appartement. C’est elle qui n’a de cesse de les entraîner dans un tourbillon de poésie et de chimères.

Un jour, pourtant, elle va trop loin. Et père et fils feront tout pour éviter l’inéluctable, pour que la fête continue, coûte que coûte.

L’amour fou n’a jamais si bien porté son nom.

            « La mort est mon métier » – Robert Merle (1976)

           

La Mort est mon métier par Merle

Il s’agit d’un roman un peu particulier, qui n’en est pas vraiment un puisqu’il s’appuie sur les mémoires de Rudolf Höss, commandant du camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau jusqu’à l’effondrement du IIIème Reich. Oui, ça parle WWII, Nazisme, camps de concentration, fours crématoires, mais pas que. C’est davantage l’exploration, à la première personne, de la naissance d’un monstre, formaté à la deshumanisation par une enfance sans amour, des rencontres déterminantes et une folie sous-jacente. La narration, peu commune pour un roman sur ce sujet puisque les victimes n’ont pas voix au chapitre, exprime la pensée du Parti, d’un soldat éduqué à servir l’Allemagne et le Reich coûte que coûte, pour qui les ennemis de la Solution Finale ne sont que des chiffres à comptabiliser et non des êtres humains. Rudolf Lang, l’alter-ego de papier de Höss, ne comprend pas les doutes et les atermoiements humanistes de ses camarades mais ne les méprise pas pour autant. Seulement… le Reich avant tout. Une question reste en suspens : est-ce le Parti qui a créé ce monstre, ou la nature humaine qui n’a fait que semer la graine dont le Reich n’a fait que récolter les fruits ?

Dénué de toute émotion et tout atermoiement, et pourtant si bouleversant, d’une psychologie renversante. Brillant en somme, et pour ne rien gâcher, écrit impeccablement…

Résumé : « Le Reichsführer Himmler bougea la tête, et le bas de son visage s’éclaira…

– Le Führer, dit-il d’une voix nette, a ordonné la solution définitive du problème juif en Europe.

Il fit une pause et ajouta:

– Vous avez été choisi pour exécuter cette tâche.

Je le regardai. Il dit sèchement :

– Vous avez l’air effaré. Pourtant, l’idée d’en finir avec les Juifs n’est pas neuve.

– Nein, Herr Reichsführer. Je suis seulement étonné que ce soit moi qu’on ait choisi… »

            « L’Empathie » – Antoine Renand (2019)

           

J’en parlais tellement sur les réseaux sociaux à un moment donné jusqu’on m’a accusée d’être de mèche avec l’éditeur et d’être payée pour faire sa pub (rires).

Une écriture magistrale, une peinture de la violence sans complaisance, une audace présente comme rarement pour un premier roman…

Dans la continuité du grand polar français, L’Empathie incarne également le renouveau dont il a besoin. Un coup de maître !

Résumé : « Il resta plus d’une heure debout, immobile, face au lit du couple. Il toisait la jeune femme qui dormait nue, sa hanche découverte. Puis il examina l’homme à ses côtés. Sa grande idée lui vint ici, comme une évidence ; comme les pièces d’un puzzle qu’il avait sous les yeux depuis des années et qu’il parvenait enfin à assembler. On en parlerait. Une apothéose. »

Cet homme, c’est Alpha. Un bloc de haine incandescent qui peu à peu découvre le sens de sa vie : violer et torturer, selon un mode opératoire inédit.

Face à lui, Anthony Rauch et Marion Mesny, capitaines au sein du 2e district de police judiciaire, la « brigade du viol ».

Dans un Paris transformé en terrain de chasse, ces trois guerriers détruits par leur passé se guettent et se poursuivent. Aucun ne sortira vraiment vainqueur, car pour gagner il faudrait rouvrir ses plaies et livrer ses secrets. Un premier roman qui vous laissera hagard et sans voix par sa puissance et son humanité.

            « Les Ravagé(e)s » – Louise Mey (2017)

           

Dans ce roman, une série de viols est perpétrée. Toute l’originalité réside dans le fait que les victimes ne sont non pas des femmes, mais des hommes. Comment ? Pourquoi ? Par qui ? Contrairement aux apparences, la critique de la société patriarcale n’est jamais très loin. Les Ravagé(e)s est formidablement en accord avec son temps, d’une âme résolument féministe sans jamais tomber dans le piège de la moralisation. Il dresse juste des constats. À vous d’en tirer les conclusions qui s’imposent…

Ceci dit, mis à part sur la fin, il ne faut pas vous attendre à un pur page-turner. Faiblesse pour certains, immense force pour moi. Louise Mey prend son temps, compile des statistiques sur le sexisme mais aussi l’homophobie et les réseaux sociaux. Travail minutieux, et c’est très bien comme ça.

Résumé : Andréa est une silhouette chancelante après un énième samedi soir alcoolisé. Ses amies ont prolongé la fête, les taxis ont déserté la place, le vide a empli l’espace et on a qu’une envie : faire passer le temps plus vite. Mais pas le choix. Il s’agit d’être pragmatique : mettre un pied devant l’autre, entendre le bruit de ses pas en triple exemplaire et trouver ça normal, fixer la lumière, un point de civilisation. Ne pas tomber.

Pourtant, cette nuit-là ne ressemble pas aux autres. La tête collée au bitume, dans la pisse et la poussière, Andréa a mal.

Alex est flic et mère célibataire. Elle officie aux crimes et délits sexuels d’un commissariat du nord de Paris. Chaque jour, elle voit défiler les plaintes pour viol, harcèlement, atteinte à la pudeur. L’ambiance est à l’anesthésie générale et il faut parfois lutter pour continuer à compatir. Ses parades pour éviter de sombrer : la bière, sa fille et les statistiques.

Sauf quand deux affaires viennent perturber la donne.

            « Je tue les enfants français dans les jardins » – Marie Neuser (2014)

           

Je tue les enfants français dans les jardins narre le quotidien difficile, pour ne pas dire insoutenable, d’une jeune professeure d’italien qui se fait malmener par ses élèves dans une école de la République aux valeurs oubliées, telle qu’elle est réellement.

Je crois que c’est ce que j’ai préféré dans ce roman, outre son écriture bluffante menée à la première personne, malgré quelques maladresses au début qui s’estompent bien vite : son réalisme.

L’auteure, elle-même professeure dans la vie, n’hésite pas à présenter les choses telles qu’elles sont, loin de l’aseptisation pratiquée par les médias. Cette histoire (fictive, mais si proche du réel) m’a particulièrement touchée personnellement. Combien de jeunes issus de la génération « millenials » ont voulu devenir professeurs avant de voir ce qui aurait pu être leur vocation se fracasser contre leurs idéaux et une difficile réalité de terrain ? D’ailleurs, le personnage ne l’a pas supporté non plus, s’embarquant sur les terres de la folie. Et c’est là qu’intervient la partie thriller… Brillamment conduite, là encore, un crescendo vers la démence qui se confronte à la morale.

Glaçant de réalisme. Etant pourtant préparée à cette vérité, et bien comme il faut en tant qu’ex-aspirante prof, j’ai quand même pris une claque.

Résumé : Lisa, jeune professeur d’italien, se rend chaque jour au collège comme on va à la guerre, avec, en guise d’armée ennemie, les élèves. Au fond de la classe, les garçons se disputent le rôle de commandant en chef en rivalisant d’insultes et de menaces. Du côté des filles, ce n’est guère plus apaisé : comment faire comprendre à une gamine de douze ans qu’elle ne doit pas se prostituer, même pour se payer des vêtements de marque ? Seule solution pour survivre sur ce champ de bataille où règne la loi du plus fort, se forger une carapace, en attendant son heure… l’heure de la contre-attaque.

            « Nos corps étrangers » – Carine Joaquim (2021)

           

Mon premier coup de foudre, et j’espère pas le dernier, de 2021.

J’ai lu ce roman d’une traite, comme on prend une profonde inspiration et on se met en apnée.

De toute manière, aucun mot, aucune formule ne saurait rendre justice à la justesse éblouissante de la plume de l’auteure pour dépeindre les aspérités du quotidien, ni à ce qu’elle a su éveiller en moi là où peu de romans parviennent finalement à franchir la barrière de l’intime.

La quatrième de couverture, volontairement évasive, ne rend pas compte de la richesse du contenu. C’est très bien comme ça, c’est ainsi qu’on se laisse cueillir. Tout, absolument tout est cohérent, du contenant au contenu. Tout a été pensé en amont. C’est ça, la littérature. Les grands livres, ceux qui restent.

Si j’en dis plus, je risque de spoiler. Et s’il y a bien un roman autre qu’un polar qu’il serait criminel de spoiler, c’est celui-là…

Résumé : Quand Élisabeth et Stéphane déménagent loin de l’agitation parisienne avec leur fille Maëva, ils sont convaincus de prendre un nouveau départ. Une grande maison qui leur permettra de repartir sur de bonnes bases : sauver leur couple, réaliser enfin de vieux rêves, retrouver le bonheur et l’insouciance. Mais est-ce si simple de recréer des liens qui n’existent plus, d’oublier les trahisons ? Et si c’était en dehors de cette famille, auprès d’autres, que chacun devait retrouver une raison de vivre ? Dans son premier roman, Carine Joaquim décrypte les mécaniques des esprits et des corps, les passions naissantes comme les relations détruites, les incompréhensions et les espoirs secrets qui embrasent ces vies.

            « Derrière les panneaux, il y a des hommes » – Joseph Incardona (2015)

           

Court, intense, fulgurant, critique, Noir majuscule, très Noir, Derrière les panneaux, il y a des hommes de Joseph Incardona m’a mis une vilaine claque. Très moche la claque en plus, de celles dont la trace reste longtemps imprimée sur et dans la peau…

Je crois sans exagération n’avoir jamais rien lu d’aussi noir de toute ma vie. Des mots, des lignes et des pages anthracites, sans l’ombre d’un rai de soleil. Sans paillettes ni scènes gores ou ambiances factices, ce roman vitriole littéralement la société et l’homme sous tous leurs aspects, occultant tout le beau et ne laissant remonter à la surface que la pourriture du monde.

Ni polar ni thriller (bien que l’intrigue pourrait virer à l’enquête policière à un moment donné, mais il n’en est rien car l’auteur reste fidèle à sa focalisation initiale), Derrière les panneaux, il y a des hommes est un roman noir qui part des réflexions et des mouvements de nage vains d’un père en deuil qui se noie sous son désespoir pour nous montrer le monde à travers ses yeux hagards. Un monde qui n’a rien d’un thriller cinématographique justement, et il en faut du talent pour dépeindre l’horreur banale, quotidienne.

Les personnages pourraient être nos voisins, nos amis, notre famille, nos ennemis, nos modèles ; des gens si ordinaires. Des monstres au visage d’ange, ou des martyrs aux gueules burinées.

            Le Mal est contagieux, et les paragraphes de Joseph Incardona en sont les gouffres…

            Résumé : Pierre a tout abandonné, il vit dans sa voiture, sur l’autoroute. Là où sa vie a basculé il y a six mois.

Il observe, il surveille, il est patient.

Parmi tous ceux qu’il croise, serveurs de snack, routiers, prostituées, cantonniers, tout ce peuple qui s’agite dans un monde clos, quelqu’un sait, forcément.

Week-end du 15 août, caniculaire, les vacanciers se pressent, s’agacent, se disputent. Sous l’asphalte, lisse et rassurant, la terre est chaude, comme les désirs des hommes.

Soudain ça recommence, les sirènes, les uniformes.

L’urgence.

Pierre n’a jamais été aussi proche de celui qu’il cherche.

            « Je suis un guépard » – Philippe Hauret (2018)

           

Jamais l’idée que ce sont les petites imperfections qui révèlent la grandeur d’une œuvre n’aura été aussi vraie…

C’est ce que je me suis dit au fur et à mesure que j’avançais dans Je suis un guépard de Philippe Hauret, pire, que je m’y enfonçais avec la sensation de plus en plus prégnante que ce roman mettrait du temps avant de me sortir de la tête.

Il s’agit d’un roman noir, très noir avec une critique sociale acerbe comme on peut la trouver chez Incardona, mais avec davantage de langueur dans le style, de douceur et de profondeur dans les réflexions initiées. Certaines formules sont cinglantes et les parcours de vie passés au crible sont multiples, sans qu’aucun des personnages ne soit traité avec manichéisme. Je me suis laissée totalement submerger par toutes ces vies qui s’entrecroisent dans un monde qui tire ses malheurs et ses épreuves au boulet de canon mais offre parfois des rencontres salvatrices.

Résumé : Le jour, Lino, employé anonyme d’une grosse boîte, trime sans passion au 37e étage d’une tour parisienne. La nuit, dans son studio miteux, il cogite, désespère, noircit des pages blanches et se rêve écrivain… Un peu plus loin, Jessica arpente les rues, fait la manche et lutte chaque jour pour survivre. Deux âmes perdues qui ne vont pas tarder à se télescoper et tenter de s’apprivoiser, entre désir, scrupule, débrouille et désillusion… Jusqu’au jour où Jessica fait la connaissance de Melvin, un jeune et riche businessman qui s’ennuie ferme au bras de la somptueuse Charlène. Deux univers vont alors s’entremêler pour le meilleur et surtout pour le pire…

           « Laisse le monde tomber » – Jacques-Olivier Bosco (2019)

           

Laisse le monde tomber de Jacques-Olivier Bosco n’est définitivement pas un polar comme les autres. L’enquête ne compte pas ou peu ; ce qui est mis en avant, c’est la destinée tragique de ces jeunes flics idéalistes et fracassés, balancés dans un monde auquel on n’est jamais assez préparé́. Tout en questionnant les origines de la haine anti-flics, Jacques-Olivier Bosco se saisit des préjugés de classe et de race sans jamais tomber dans le moralisme bête et méchant. Les personnages, les féminins notamment, sont animés d’une vérité́ absolue ; l’écriture est percutante, ciselée et brillante, il est suffisamment rare de réunir tous ces critères dans un polar pour le souligner.

Résumé :  À travers une succession de crimes dignes du Chien des Baskerville, de jeunes policiers vont être confrontés à la violence sociale et humaine d’une grande cité de banlieue.

« Et la violence ne se combat pas par la violence… » ; c’est ce qu’aimerait prouver Jef, le flic idéaliste et lâche, mais sa collègue Hélène, bouffie de mal-être, a de la rage à revendre, quant à Tracy dont le frère est mort lors des attentats de Paris, c’est de vengeance dont elle rêve.

Dans un thriller ténébreux et spectaculaire, leurs voix, celles des retraités, parents, filles et fils de banlieue vont s’exprimer avec lucidité et mélancolie.

« Comment rester humain dans un monde qui vous déteste ? »

Aussi, je suis actuellement plongée dans un roman de littérature blanche, Je suis en vie et tu ne m’entends pas de Daniel Arsand, qui raconte l’histoire de Klaus, un déporté homosexuel – un triangle rose – qui rentre chez lui après la libération des camps et ne parvient pas à s’extraire mentalement de l’horreur et des tortures vécues. Tout ce que je peux dire, c’est qu’il est très bien parti pour entrer dans cette fameuse liste…

Un immense merci à Laurine pour ce partage qui, j’en suis persuadée, continue de faire gonfler vos PAL !

La semaine prochaine, c’est au tour d’Ophélie, du blog Quand Ophé’Lit, de nous livrer ses coups de cœur !

5 réflexions sur “C’est vous qui le dites ! – Les coups de cœur de Laurine Valenheler

  1. Que de conseils ! Il y en a beaucoup ! Je note, notamment les ravagées qui m’intriguent…
    Malgré le fait que ce soit un classique, je n’ai jamais testé Vipère au poing…
    L’empathie est à la bibliothèque suite à des conseils de blogueurs, mais je ne l’ai pas essayé, à l’inverse de mes lecteurs qui ont plutôt bien accroché aussi !
    Sinon, j’ai lu En attendant Bojangles (mais ressenti mitigé : j’ai aimé les preuves d’amour du mari à sa femme, mais la fin m’a fait de la peine pour le fils…)

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