Lu en : Septembre 2023

Il y a des livres qu’on attend avec plus d’impatience que d’autres, on a tous nos affinités, littéraires et humaines. De mon côté, j’ai découvert la plume de Clarence avant de découvrir l’auteure, et je n’ai été déçue par aucune des deux ! J’ai rapidement été conquise par la noirceur de son univers, noirceur qu’elle ne manque pourtant jamais d’égayer par un moyen infaillible avec moi : l’humour.
J’ai donc, toutes affaires cessantes, plongé dans ce roman un dimanche ensoleillé, et n’en suis ressortie qu’une fois la dernière page tournée. Dire que j’ai été happée par ce roman est probablement un mot bien trop faible. Dès les premières lignes, l’auteure nous saisit à la gorge. Lorsqu’un roman commence avec une scène d’une telle intensité, c’est clairement quitte ou double. Soit l’ensemble retombe comme un soufflé, soit ce n’est qu’un hors-d’œuvre annonçant un mets d’exception. Je ne vais pas vous tenir en haleine plus longtemps, on se trouve bien ici dans le second cas !
Comme Clarence aime nous faire voyager, on atterrit dans l’histoire en 2012, dans le village de Bumia, au Congo, en plein massacre. Un groupuscule armé qui se fait appeler « les arracheurs » (vous saurez bien assez tôt pourquoi) est en train d’y décimer un village, non sans avoir au préalable largement torturé tout le monde. Je vous laisse imaginer ce que ces personnes ont pu faire des mères et de leurs petites filles. Demandez à Gloria, qui a dû assister au déferlement de brutalité qui s’est abattu sur sa petite Phionah, neuf ans. Puisant dans ses dernières ressources, Gloria parvient à s’enfuir, emmenant avec elle sa fille dans un triste état.
Retour de nos jours dans le célèbre quartier Matongé, le plus important quartier commerçant et associatif africain de Bruxelles. Au programme des réjouissances : une victime toujours vivante mais défigurée et énuclée. Pour Karel Jacobs, qu’on retrouve avec plaisir, la signature des « arracheurs » est flagrante. Quelques années plus tôt, il était en mission en Afrique, et le procès de l’un des protagonistes du fameux massacre de Bumia approche justement, à Bruxelles. Karel comprend bien plus vite que sa hiérarchie tatillonne que cette agression est la partie visible d’un monstrueux iceberg.
Même si je reconnais sans honte que je suis amatrice de polars sombres et violents, j’aime quand même préciser que les romans qui me marquent le plus sont ceux qui, sous couvert de fiction, dénoncent des faits de société. Tous les massacres perpétrés par ces milices en Afrique, les corps dévastés de ces femmes, violées, torturées, et ensuite rejetées, ce n’est pas un délire d’écrivain. C’est le quotidien de milliers de femmes, de nos jours encore. Et ces enfants orphelins trop vite, ces autres engendrés dans la violence, tous ceux-là courent vers un destin tragique, écrit depuis leur naissance. S’ils sont de papiers, les personnages de Clarence Pitz ne sont pourtant que l’illustration de ceux que ce monde a engendrés. Et nous voilà spectateurs du sort de cette poignée d’hommes et de femmes, des cœurs les plus purs aux monstres les plus redoutables, obligés de choisir dans quelle case il faut ranger lesquels. Et si vous croyez que rien n’est plus simple, attendez d’avoir lu…
L’auteure signe ici, à mon sens, son meilleur roman, et ce n’est pas peu dire, sachant que j’avais déjà adoré les précédents ! Elle n’y arrive pas seulement grâce à une thématique puissante. Car parler d’un sujet grave n’est pas forcément gage de qualité. Il y a ici, en plus, la puissance de la plume. J’avais déjà noté une évolution dans « Meurs mon ange », j’ai ici l’impression que Clarence Pitz a brisé toutes ses chaînes pour s’envoler vers les sommets, aux côtés des plus grands noms du polar. Portée par des personnages profondément attachants, cette intrigue se déroule à mille à l’heure et pourtant, prend le temps de développer une humanité bouleversante. Ce roman m’a marquée durablement, à l’instar d’un « Entre deux mondes » ou d’un « Manufacturier ». Immense coup de cœur que j’espère vous avoir incités à découvrir fissa !
Dans ses remerciements, l’auteure nous parle de deux tragiques pertes auxquelles elle a dû faire face durant l’écriture de son roman. J’aimerais lui dire que je suis sûre d’une chose : où qu’elles soient, elles sont très fières d’elle, j’en suis persuadée…
J’espère vous avoir convaincu de vous jeter sur ce livre d’une puissance exceptionnelle, mais dans le doute, je vous invite à écouter le dernier podcast du Club Sang de BePolar dans lequel j’en parle !
Quel bel article ! Je suis convaincue 😊. Je ne connais pas cette auteure et il me semble en vous (te) lisant que Karel Jacobs est un personnage récurent ? Donc faut-il lire les précédents romans de l’auteure avant de se plonger dans celui-ci ?
J’aimeAimé par 1 personne
Depuis le temps que l’on échange, le « tu » me convient bien 😉. Effectivement, Karel est un personnage récurrent et il manquera un peu de son histoire personnelle si tu ne les as pas lu, mais je pense que ce n’est pas très grave ! Foncé !
J’aimeAimé par 1 personne
Merci Nath ☺️
Cette auteure a l’air vraiment intéressante. Par contre, je suis peut-être moins friande que toi des trucs trop noirs et durs (je vois que tu as bien aimé le Manufacturier et j’ai toujours été réticente à le lire) et j’aime bien quand cela sert l’histoire mais pas plus alors j’espère que ce roman a juste ce qu’il faut parce que tu en as raconté et l’histoire me plaisent vraiment bien !
J’aimeAimé par 1 personne
Oui, c’est vrai que je n’ai pas vraiment de problème avec la violence, tant qu’elle est « utile » à l’histoire. Pour autant, Clarence est beaucoup plus subtile dans ses descriptions, on n’est pas sur la violence crue et brute du manufacturier. Le premier chapitre, notamment, est vraiment un bel exemple de la manière dont elle a fait passer les émotions sans rentrer dans le glauque… ça fait partie de la réussite de ce livre !
J’aimeAimé par 1 personne
Bon ! Je suis convaincue ( pour la seconde fois !), je vais le tenter !
J’aimeAimé par 1 personne
Voilà une nouvelle qui me fait extrêmement plaisir, et j’attends ton avis avec impatience ! (Et un chouïa de stress, j’avoue 😅)
J’aimeJ’aime
Eh bien, on sent que celui-ci t’a vraiment marqué ! Quelle belle chronique 👏
Et si tu dis qu’il t’a touché autant que Entre deux mondes et le Manufacturier (faut vraiment que je le lise celui-ci, je le dis à chaque fois), je veux bien croire que le sujet soit intense. De toute façon, rien qu’en lisant ton retour, on sent bien que c’est une lecture percutante. Merci pour cette découverte Nath !
J’aimeAimé par 1 personne
Avec plaisir, en effet, un livre percutant ! J’espère que tu le découvriras un jour !
J’aimeAimé par 1 personne
Oh tu l’as lu.
Moi je ne manquerai pas de le lire aussi, j’adore comme toi la plume de l’auteure et la femme qui se cache derrière…
J’aimeAimé par 1 personne
Oui, Clarence est une personne adorable et humble. Ce roman est vraiment magistral ! Hâte d’avoir ton avis !
J’aimeAimé par 1 personne
Il est dans ma WL…..
J’aimeAimé par 1 personne
❤️
J’aimeJ’aime
C’est une auteure que je n’ai pas encore lue. Toutefois, je présente des auteurs belges sur mon groupe de lecture FB et j’ai présenté Clarence Pitz après avoir vu un de ses bouquins au magasin Club. Il faudra que je lise un de ses bouquins pour me faire une idée.
Celui-ci est tentant…
J’aimeAimé par 1 personne
C’est une chouette initiative ! Et effectivement, elle a remporté le prix Club cette année.
Ce roman est vraiment une belle manière de la découvrir !
J’aimeJ’aime
Ping : Le Tag de l’avant de nos Lectrices et nos lecteurs : NATH – Collectif polar : chronique de nuit
Ping : Le « Top 10 du Noir 2023 » de Mes Lectures du Dimanche pour le Collectif Polar ! – Mes Lectures du Dimanche
Ping : Le top 10, 2023, de nos lecteurices : #6 NATH – Collectif polar : chronique de nuit
Ping : Rencontre Iris Noir – Maxime Chattam – 31/01/2024 – Mes Lectures du Dimanche
Ping : L’âge de (dé)raison (?) pour « Mes Lectures du Dimanche » qui souffle sa septième bougie ! – Mes Lectures du Dimanche