Lu en : Juillet 2024

Tout parent a déjà ressenti ce mélange d’allégresse (à l’idée de quelques jours de tranquillité) et d’appréhension (à l’idée de tout le reste) en faisant signe à son enfant qui, dans le bus scolaire, s’en va vers une classe de neige. Dans leurs pires délires d’anxiété anticipatoire, les parents des enfants qui ont pris la route dans ces deux cars scolaires n’auraient pas pu prévoir ce qui est arrivé : les deux véhicules se sont littéralement volatilisés, avec à leur bord 70 élèves, leurs accompagnateurs et les chauffeurs. Aucune trace, pas la moindre piste, rien !

Il faudra attendre une semaine avant qu’un ravisseur se fasse connaître, et il donne rapidement le ton de ses exigences : il ne parlera qu’à Talia Sorel, négociatrice au Raid. Bien que talentueuse, Talia comprend rapidement que son adversaire est de taille, et il ne tarde pas à faire la démonstration de sa puissance et de sa détermination… Pour Shepherd, le flic qui mène l’enquête depuis la disparition des cars, cette prise de contrôle par le Raid est contrariante, mais seule compte une issue heureuse. Avec la cellule antiterroriste dont il est à la tête, il fait donc contre mauvaise fortune bon cœur, tout comme Eve Melville, sa collègue à l’instinct plutôt efficace et au caractère bien trempé.

Le petit numéro d’Houdini est spectaculaire et ouvre plein de possibilités. Une énigme a priori impossible à dénouer. Premier bon point, d’autant que le mystère trouvera une explication crédible.
J’ai bien aimé le jeu du chat et de la souris qui s’initie entre ravisseur et négociateur, avec un petit combat d’ego et un soupçon de séduction qui pimente les échanges. On imagine, face aux risques encourus, le fardeau que porte la négociatrice qui doit peser chacun de ses mots. Et c’est clairement un duel qui s’engage entre les deux protagonistes principaux, qui rivalisent d’intelligence.

Bien sûr, Talia a elle-même ses propres peurs, ses propres failles, et toute la discrétion nécessaire à sa fonction ajoute un sentiment mystérieux autour de son personnage.
Cet affrontement, qui domine le récit, est entrecoupé d’avancées de l’enquête et de quelques incursions du côté des otages, offrant au lecteur des infos dont ne dispose pas la police. Et voilà le lecteur particulièrement surpris du sort réservé aux otages, ajoutant une dimension humaine au récit face aux réactions de ces jeunes gens qui ne comprennent pas exactement ce qui leur arrive !

À bien des égards, le suspense est haletant ! Les affrontements ne sont d’ailleurs pas que verbaux, et Fank Leduc se fait fort de tenir son lecteur en haleine tout du long. L’auteur s’efforce aussi d’intensifier la crédibilité de son intrigue en creusant la psychologie de ses personnages, des flics aux kidnappeurs.

Dans ce rapport de force qui s’est établi, le lecteur n’a plus qu’une seule option : tourner les pages avec frénésie.
L’auteur a évité de trop évoquer l’anxiété parentale, même si elle apparaît dans quelques passages avec les parents des enfants disparus, mais l’un des pères se raccroche à la seule chose qu’il pense maîtriser : il a toujours mis son fils en garde contre les dangers du monde. Dans ce contexte où la peur viscérale de perdre son enfant est omniprésente, on note la foi de ce père qui refuse de n’avoir aucune prise sur la situation.

L’accent a plutôt été porté sur une conjoncture relativement anxiogène et le rapport de force, percutant, qui opposent les forces de l’ordre à cette personnalité complexe aux motivations étranges. Ce n’est pas qu’un simple « méchant », et son équipe et lui sont tous animés par un objectif, pas forcément le même pour tous, mais qui renforce leur détermination.

J’ai pris grand plaisir à dévorer ce thriller captivant, qui met en évidence les différents métiers et talents, souvent méconnus, indispensables à une enquête policière réussie. Ces héros de l’ombre méritent vraiment notre admiration !