Lu en : Juillet 2025

Il y a des livres qui, même des semaines après leur lecture, laissent une trace au goût amer. Pas forcément parce qu’ils nous ont bouleversés, mais plutôt parce qu’ils nous rappellent à quel point l’humanité peut se perdre en prétendant la sauver. Bangui Plage fait clairement partie de ceux-là.
Gagnant du prix du roman noir de la Foire du Livre de Bruxelles 2025, Bangui Plage n’a rien du polar classique. Ici, pas de corps à identifier ni d’enquête palpitante, juste le crime silencieux d’un monde où certains jouent les sauveurs pendant que d’autres paient l’addition. Le vrai crime, ici, c’est le cynisme.
Bruno Sanderling tire le rideau sur un théâtre des plus vastes : celui d’une Afrique meurtrie, déchirée par les conflits, les exils ratés, les bonnes intentions mal placées et les intérêts géopolitiques bien calculés. Deux destins s’y croisent : celui d’Henri, cadre d’une institution internationale engluée dans son propre néocolonialisme, et celui de Théo, revenu d’exil avec plus de blessures que d’espoirs. Pour l’un, une faute professionnelle vite oubliée. Mais pour l’autre, une vie pulvérisée…
Le roman avance sans fard, avec une écriture sèche, presque clinique, qui dit la chaleur écrasante, la prison qui déshumanise, la corruption qui gangrène et ce soleil qui finit par brûler jusqu’aux illusions. On en ressort avec ce goût amer du gâchis humain, de ces existences broyées par des systèmes qui ne prétendent même pas les sauver.
Théo, de retour d’exil, traîne ses cicatrices au milieu des ruines d’un pays qu’il ne reconnaît plus. Henri, lui, s’enlise dans les mécanismes huilés d’une institution internationale qui ressemble furieusement à une caricature du paternalisme occidental. Deux trajectoires qui se croisent, se heurtent et se répondent, mais qui, surtout, racontent le même désastre : celui d’un monde où l’aide humanitaire devient parfois un outil de domination ou d’enrichissement. L’enfer est réellement pavé de bonnes intentions…
Derrière chaque sourire de façade se cache un jeu de pouvoir. Pourtant, dans la dernière ligne droite, l’auteur glisse une note d’idéalisme, presque fragile, qui empêche le lecteur de sombrer complètement dans le désespoir. Et heureusement que cette lueur apparaît : infime, mais réelle. Comme si, malgré la corruption et les désillusions, quelques âmes continuaient d’agir sans calcul. Et ça suffit à redonner un peu de souffle.
Un roman bref mais dense, qui ne cherche pas à séduire, seulement à faire réfléchir. Et c’est déjà beaucoup.
L’auteur s’appuie sur une expérience qu’on sent vécue, presque palpable, pour livrer une vision crédible et sans fard du milieu humanitaire et de ses paradoxes. C’est cette authenticité et ce refus du vernis qui donne au texte tout son sens.
Je suis pourtant restée un peu à distance, sans doute parce que la rigueur du propos prend parfois le pas sur l’émotion. Mais c’est aussi ce qui fait sa cohérence : Bruno Sanderling vise juste et frappe là où ça fait mal. Et cette honnêteté-là, à elle seule, mérite qu’on s’y attarde.
Je ne suis pas étonnée par tes propos, je n’ai pas lu ce livre, mais déjà souvent entendu ces considérations. Vu la nature humaine, rien de surprenant. Bonne semaine
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Et finalement, n’en être même plus surprises (ni toi ni moi) est un constat tout aussi amer… heureusement qu’il reste des cœurs purs partout qui se battent encore pour l’humanité 😘
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C’est étonnant, le sujet de ce roman me rappelle celui d’un autre dont je ne me souviens plus du titre. Le livre auquel je pense dénonçait le cynisme de ces associations humanitaires gangrenées par une hiérarchie avide de pouvoir et d’argent. Bref, un peu le même sujet. Un sombre constat, qui doit rendre la lecture un peu éprouvante.
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Oui, effectivement, on se dit que si même l’appât du gain gangrenne des milieux normalement nobles, c’est bien triste. Heureusement, il existe de vraies belles âmes dans ces milieux associatifs, mais la corruption rode partout !
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Ouh là là un peu trop pour moi je pense ! merci beaucoup pour ce partage et cette chronique Nath
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Oui, il faut que le thème te parle de base…
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Je trouve ça courageux d’évoquer sans fard le milieu humanitaire qui n’est pas que compassion et humanisme. ça a l’air un peu pesant mais vu le thème, rien d’étonnant. Et puis c’est parfois nécessaire des élans de lucidité.
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Oui effectivement, c’était très éclairant…
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C’est un sujet très intéressant que celui d’évoquer les abus de certaines associations humanitaires. C’est courageux car j’ai le sentiment que c’est tabou malheureusement. Merci Nath pour ce retour très intéressant.
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Oui, effectivement, je n’en avais pas lu souvent !
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Ben voilà, maintenant c’est toi ma Nath qui me fais découvrir de nouveau auteur.😁
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Et c’est un honneur !!! 🤩
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