Lu en : Février 2025

Il y a des romans que l’on referme en se disant qu’ils étaient bons. Et puis il y a ceux que l’on referme avec le cœur en vrac, parce qu’ils marquent une fin.
Je précise au passage que toute rumeur évoquant une larme à l’œil au moment de tourner la dernière page sera formellement démentie et exposera son colporteur à de graves représailles. Même si tout est vrai…
Sur le plan de l’intrigue, Isabelle Villain propose quelque chose de profondément dérangeant. Ici, le crime devient presque abstrait. Les meurtres s’enchaînent sans motifs lisibles, sans logique apparente, et, plus grave encore, sans suspect ! Pas de tueur identifiable, pas de schéma rassurant. Juste une mécanique froide, invisible, qui enferme autant les enquêteurs que le lecteur.
Ce choix est redoutablement efficace. Parce que ce qui inquiète le plus, ce n’est pas la violence frontale, mais ce qui nous échappe, ce qui refuse de se laisser saisir. Et même s’il s’agit de fiction, il est évident que le monde est suffisamment tordu pour engendrer des psychopathes de cet acabit, capables de tirer les ficelles, et qu’il existera toujours, en face, des esprits perméables aux idées les plus dangereuses, prêts à devenir de dociles marionnettes.
Mais Game Over n’est pas seulement un thriller tendu et intelligent. C’est surtout un roman qui compte parce qu’il concerne Rebecca De Lost.
Rebecca, on la connaît. On l’a suivie. On s’y est attaché presque sans s’en rendre compte. Isabelle Villain nous a offert un personnage qui n’est pas resté juste enfermé dans les pages. Rebecca nous est devenue familière, presque réelle. On connaît ses forces, ses failles, ses silences. Et quand on ouvre Game Over, on sent très vite que quelque chose se joue pour elle.
Ce tome est éprouvant, émotionnellement. Pour Rebecca, mais aussi pour le lecteur. Il y est question de pertes, de renoncements, de ce moment précis où une page se tourne et ne pourra plus jamais être rouverte. Isabelle Villain ne cherche pas à adoucir ce passage. Elle l’aborde avec justesse, avec pudeur, mais sans tricher. Elle montre ce que cela coûte, intérieurement, humainement. M’est avis que l’auteure a elle-même laissé, dans ce dernier roman, un petit morceau de son cœur…
C’est là que le roman m’a touchée bien au-delà de l’enquête. Parce que ce qui arrive à Rebecca, ce n’est pas spectaculaire. C’est intime. C’est silencieux. C’est juste la vie, en somme. Et c’est précisément pour cela que c’est si fort. On ne lit plus seulement une histoire, on accompagne un personnage dans un moment charnière de sa vie.
Quand j’ai refermé Game Over, j’avais la gorge serrée. Pas à cause d’un twist, pas à cause d’un coup d’éclat final, mais à cause de cette sensation très particulière de dire au revoir à quelqu’un qu’on a appris à aimer au fil des livres. Cette tristesse douce-amère que seuls certains romans savent provoquer.
Game Over est un thriller maîtrisé, tendu, efficace. Mais c’est surtout un roman profondément humain, qui rappelle que les personnages comptent autant que les intrigues. Et que parfois, la vraie émotion naît simplement du fait d’avoir partagé un bout de chemin avec eux.
Rebecca De Lost va me manquer. Et c’est sans doute le plus beau compliment que je puisse faire à Isabelle Villain.