« La colère d’Izanagi » – Cyril Carrère

Lu en : Mars 2024

Fait numéro un : je ne suis pas une inconditionnelle du Japon. Mes connaissances en la matière sont donc aussi inexistantes qu’exemptes d’idées préconçues. Cyril Carrère, lui, tout français qu’il soit, est un expert du sujet, puisque expatrié au Japon depuis quelques années. La culture nippone est entourée d’une aura particulière qui, bien souvent, met en avant des valeurs de respect, d’acharnement professionnel, de discrétion. C’est probablement réellement tout ça, mais chaque médaille à son revers, et l’auteur, avec ce titre, va nous permettre d’en apercevoir les contours. On parlera donc de la place des femmes, de la différence, du poids des traditions, le tout avec un œil plus que légitime, car Cyril Carrère est le seul auteur français suffisamment immergé dans ce quotidien pour nous en faire une peinture juste et représentative, sans ce filtre européen que l’on retrouve inévitablement chez d’autres. Parce que Cyril n’est pas qu’un gaijin en visite !

Bien sûr, rien n’est balancé au hasard, on n’est pas dans un documentaire sur le Japon ! Bien au contraire… L’auteur nous plonge en plein cœur de Tokyo auprès de personnages soigneusement travaillés. On commence très fort, en pleine plongée dans un brasier qui sera le point de départ d’une enquête criminelle tourmentée menée par une cellule fraîchement constituée : Sakura. À sa tête, Hayato Ishida. Un excellent flic, mais relativement dépourvu d’empathie et de bonnes manières, et, eu égard à sa zone d’action, ce sont deux travers qui passent assez mal. Alors qu’il espérait bien être le seul à bord de sa toute nouvelle unité, créée sur mesure, l’administration lui adjoint Noémie. Mi-française, mi-japonaise, elle voit dans cette nomination un bon moyen d’échapper à la misogynie dans laquelle elle stagne. Contrairement à Hayato, Noémie est une flic très sensible aux gens, aux éléments. Et bien que peu coopératif au départ, Hayato reconnaît assez rapidement qu’elle est d’une aide précieuse. Si Hayato traîne quelques casseroles de son passé, c’est aussi le cas de Kenta. Lui et sa petite amie Suzuka sont étudiants en arts et ont perdu leur job à la suite de l’incendie des locaux dans lesquels ils travaillaient. Si la douce et adorable Suzuka se retourne assez vite, ce n’est pas le cas de Kenta qui souffre d’anxiété et d’une certaine forme d’agoraphobie. Sa solution : se faire un peu d’argent en travaillant de chez lui. Il n’imaginait pas, en entrant dans « la Bergerie », un site web particulier, qu’un piège se refermerait sur lui. Piège, certes, mais lucratif…

En parallèle, nous suivons donc tous ces protagonistes tout en visitant de hauts lieux de Tokyo. L’intrigue et les personnages sont une superbe représentation d’un Japon tout en contraste, entre l’émergence technologique et l’immuabilité des traditions, parfaitement illustré par le « Sakuragawa », qui est le siège de ce service de police pas comme les autres (je vous invite à consulter le blog créé par l’auteur pour en savoir plus). L’action est omniprésente, et bien que j’ignorais totalement où l’auteur voulait en venir, je ne me suis pas posé trop de questions et j’ai laissé l’intrigue faire son travail, jusqu’à me prendre une sacrée claque, le genre de celles qui vous donnent envie de relire le livre « en sachant » !

Ceux qui me connaissent bien savent à quel point j’apprécie être surprise dans un roman, et des années passées à lire exclusivement du roman noir ont fait de moi une lectrice exigeante et difficile à surprendre. Pari gagné pour Cyril Carrère qui m’a complètement cueillie après m’avoir baladée dans une histoire minutieusement construite. Les chapitres s’enchaînent, mais l’omniprésence de l’action n’empêche pas le lecteur de s’attacher à ces personnages, les uns ébréchés, les autres profondément altruistes. L’histoire sombre et touchante nous ouvre les portes d’un Japon qui sonne juste et s’achève sur un final émouvant. Un sans-faute alliant action, sensibilité et réalisme ! On referme ce livre avec un brin de nostalgie, vite chassé par la promesse de retrouver bientôt Hayato et Noémie…

15 réflexions sur “« La colère d’Izanagi » – Cyril Carrère

  1. Avatar de Céline C. Céline C.

    Merci Nath pour cette belle chronique. Je ne suis pas une grande fan du Japon. J’ai travaillé avec des scientifiques nippons, dans mon autre vie, et j’en garde un mauvais souvenir, tout comme de mon séjour à Tokyo. Néanmoins, tu me donnes envie de découvrir ce roman d’un auteur dont j’ai apprécié un précédent opus.

    Merci 😘

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  2. Ah il me semblait bien avoir lu quelque part que l’auteur vivait là bas justement, merci de confirmer mes doutes ! Je connais très peu la culture nippone également et pourtant tu révèles bien l’idée que j’en avais, un pays où règnent le respect, l’ordre, le travail et la droiture, mais aussi cette face cachée, beaucoup moins reluisante. Et j’apprécie le fait que l’auteur connaissent aussi bien son sujet, ça doit offrir une immersion des plus réalistes. En tout cas, tu sembles conquise et ça c’est chouette 🙂 merci pour la découverte Nath !

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