Lecture Commune de Dominique & Nath #1 : « La Disparition d’Hervé Snout » – Olivier Bordaçarre

Lu en : Mars 2024

Selon l’expression consacrée, il ne faut « jamais juger un livre à sa couverture »… Dans ce cas précis, c’est à la fois vrai… et faux ! C’est-à-dire que, visuellement, je ne trouve pas forcément cette couverture très attirante, mais à la lumière de ma lecture, je la trouve tout simplement géniale ! Dès le début, elle a eu le mérite d’attirer mon attention, et je remercie BePolar de m’avoir donné l’occasion de découvrir l’histoire qu’elle cachait !

Découverte que j’ai faite conjointement avec Dominique, lors d’une lecture commune vraiment savoureuse (ceux qui ont lu comprendront l’usage de ce qualificatif précis) ponctuée de débriefings quotidiens particulièrement agréables (merci Dominique !). Nous avons littéralement découpé cette lecture, analysé nos ressentis, tenté de comprendre où avait bien pu disparaître Hervé Snout… Hervé Snout, que son épouse, Odile, et ses deux enfants attendent depuis des heures, alors que tout était prêt pour fêter dignement son quarante-cinquième anniversaire…

Voici un roman tout à fait inhabituel dans mon univers familier de polars/thrillers/romans noirs. Je l’ai lu avec grand plaisir en lecture commune avec Nath, que je remercie, nos debriefings quotidiens furent savoureux (moins que le roman, toutefois, heureusement).

Donc, après un prologue où, en 2004, nous faisons connaissance d’une famille de personnes absolument adorables (dont nous ne saisirons le rôle que bien plus tard), un bond temporel nous conduit en 2024, dans la cuisine d’Odile Snout, qui attend vainement son mari, dont c’est le quarante-cinquième anniversaire. Il est pourtant parti, ce matin, à vélo, comme d’habitude, au travail. Il est le directeur de l’abattoir local, Hervé. Peu à peu, on comprendra que sa personnalité ne suscite pas un enthousiasme délirant dans son entourage.

Olivier Bordaçarre a adopté un style inhabituel, le narrateur omniscient décrit, avec une certaine distance, les événements et les pensées des divers protagonistes, que nous observons comme des bestioles sous une loupe, et joue avec des allées et venues dans le temps. J’ai beaucoup apprécié, outre l’effet de surprise, les traits d’humour noir, qui m’ont fait passer parfois sans transition de l’horreur au fou-rire. La couverture, qui m’avait semblé esthétiquement douteuse, s’avère totalement pertinente.

Bref, sous le couvert d’une classique énigme de disparition, l’auteur nous livre une critique sociale au vitriol, critique de la souffrance au travail, critique des faux-semblants dans les familles dysfonctionnelles…

Un roman très réussi que je suis ravie d’avoir découvert et que je vous recommande. Attention toutefois : certaines scènes, notamment à l’abattoir, sont assez dures. Et malheureusement réalistes.

Ce livre, c’est un décalage constant entre le ton utilisé et la gravité des faits relatés. Le premier chapitre n’est pas révélateur de ce qui suivra dans la première partie, et l’auteur ne nous accorde d’ailleurs pas un lien immédiat. Au contraire. Il ouvre une porte, qui éclaire une famille particulière, où l’émotion est immédiate. Puis, sans transition, il nous catapulte dans la famille Snout. Madame est passablement exaspérée : Monsieur l’a plantée là, sans même une explication. La table est dressée, le bœuf bourguignon fin prêt. Même le gâteau attend sagement d’être dévoré pour fêter les quarante-cinq ans du père Snout ! Plus vexée qu’inquiète, Odile ne peut que constater l’absence de son goujat de mari, tandis que le fils est affamé et la fille, ravie d’échapper à l’obligation d’ingurgiter de la viande, elle qui a décidé de devenir végétarienne. Ce qui n’est pas du « goût » du père, directeur d’un abattoir ! Il faut pourtant se faire une raison, Hervé ne rentrera pas ce soir… ni même demain… Cette famille si particulière va vivre cette absence, chacun à sa manière, dans son coin. Pas d’échanges, pas de sentiments partagés, pas de rapprochement. Juste une disparition qui touche chacun d’une manière bien étrange. Pour le lecteur, on constate vite que, hormis le fils, un « tueur » qui se veut digne héritier d’un père qu’il idolâtre (de mon point de vue, un gosse aussi con que peut l’être son père), tout le monde semble plutôt s’accomoder de l’absence du Snout. Ce qui se comprend, car le Snout n’est vraisemblablement ni le mari, ni le père, ni le patron idéal… Ce serait même plutôt un gros connard, méchant, despotique, cruel. On en vient à espérer que sa disparition soit définitive tant le personnage est désagréable ! Impression que l’auteur va confirmer dans la seconde partie, où on remonte un peu le temps pour revenir quelques jours avant la disparition.

Personnellement, je crois que ce qui m’a vraiment permis d’accrocher à ma lecture est le découpage réfléchi avec Dominique, qui me permettait de lire autre chose en parallèle, car on est ici loin d’un thriller vitaminé. Pour autant, j’étais chaque jour contente d’en savoir un peu plus, finalement tellement pressée de comprendre que j’ai quémandé une accélération du rythme de lecture sur la fin. L’écriture est presque mécanique, dépourvue d’émotion, les personnages détestables, la disparition en fin de compte plutôt bienvenue. Et pourtant, dans ces lignes réside une force incroyable, incarnée par deux personnages particuliers, d’une humanité désarmante, de ces personnages qui s’adressent directement à notre cœur. Avec une dose d’humour noire distillée sans avoir l’air d’y toucher, ce roman aborde différents thèmes très forts, les scènes à l’abattoir sont écœurantes de méchanceté. Les images culinaires nous font pouffer autant qu’elles nous dérangent, et c’est la force de cet ovni littéraire, inclassable, si ce n’est dans la catégorie : « découvrez-le » !

Je vous invite également à découvrir l’avis de Julie (Musemania’s Books) qui a également partagé ma lecture !

15 réflexions sur “Lecture Commune de Dominique & Nath #1 : « La Disparition d’Hervé Snout » – Olivier Bordaçarre

  1. C’est vrai que cette couverture ne m’aurait pas non plus interpellée tout particulièrement. Mais apparemment elle fait son effet une fois qu’on découvre l’intrigue, c’est bien pensé donc. 🙂 En tout cas, vu tous les beaux qualificatifs que tu utilises Nath, il n’a pas l’air particulièrement agréable ce Snout. J’aime bien l’humour noir mais je sens que l’écriture mécanique et les scènes de l’abattoir auront raison de moi. Je vais la jouer sécurité et passer mon tour pour ce roman 😇

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