« Survivantes » – Cédric Sire

Lu en : Janvier 2025

Quoi de pire, pour une victime, que de s’apercevoir que, non seulement, sa vie sera désormais régie par la résurgence de séquelles profondes (qu’elles soient physiques ou psychologiques, mais qu’en plus, personne ne paiera pour ça ?

Difficile d’imaginer, surtout pour nos quatre héroïnes, que, bien qu’elles aient traversé l’horreur, leurs bourreaux s’en tirent à très bon compte ! Justice défaillante ? Peut-on se contenter de cette explication lorsque l’on est consciente d’avoir échappé au pire, tout en sachant que, quelque part, le prédateur agit peut-être toujours et que les victimes n’auront sans doute pas leur « chance », si tant est que la vie avec de tels traumas puisse être qualifiée de chanceuse ?

C’est un peu l’idée de départ qui, au fil de la thérapie qui les unit, germe dans l’esprit de Kate (la psychologue à l’origine de ce groupe de paroles de « Survivantes ») et ses patientes, devenues amies, Tanya, Cheryl et Farrah. Toutes les quatre ont échappé au pire : chasse à l’homme, boucher violeur, séquestration… la panoplie de sévices est aussi cruelle que spectaculaire.

Et pendant que le cheminement se fait, les jeunes femmes entrevoient la possibilité de mettre en commun leurs forces et leurs faiblesses pour dénicher leurs bourreaux. Elles espèrent ainsi trouver dans leur vengeance une rédemption salutaire. Dès lors, une mécanique implacable se met en marche : localiser les bourreaux, organiser une vengeance discrète, mais sanglante, à la hauteur des préjudices subits. Peu importe le temps que ça prendra, chacun des hommes qui ont tenté de détruire ces femmes devra répondre de ses actes auprès du créateur vers qui elles le renverront dans la foulée. Et voilà comment, sur ces règlements de compte impressionnants, cette conclusion entrevue par les victimes, débute le nouveau roman de Cédric Sire. Car, ce qu’il nous propose dans ce nouvel opus, c’est de voir ce qui se passera après, maintenant que les héroïnes supposément apaisées ont réveillé un monstre plus puissant encore que ceux qu’elles viennent d’éliminer.

Si l’auteur joue de manière totalement assumée avec les codes du roman d’horreur, il n’en oublie pas de rendre ses victimes profondément humaines. Au fil du roman, on en apprendra plus sur elles, leurs failles, leurs hontes, leurs secrets. Et l’on se demandera, à juste titre, si, finalement, devenir aussi brutales que leurs tortionnaires les a guéries, apaisées, ou si, au contraire, cela a ouvert une brèche sombre dans leur âme ? Faut-il encore faire confiance à la justice ? Faut-il choisir la voie du sang, la sacro Sainte loi du Talion, ou faut-il garder confiance en la voie de la dignité et se battre pour une justice légale ?

L’auteur a plusieurs objectifs : le premier, totalement maîtrisé, est de divertir ! Ce qu’il réussit brillamment à l’aide d’une action sans le moindre temps mort, des mises à mort en mode « Grand Spectacle », de suspens, de rebondissements… bref, ça défouraille et ça tabasse et ça, clairement, c’est ma came ! Mais l’auteur n’oublie pas de nous faire passer par un large panel d’émotions, tout en gardant sous-jacente cette question : le remède n’est-il finalement pas pire que le mal ?
Pour autant, et eu égard à cette permissivité qu’offre la fiction, force est de constater que c’est clairement jouissif de voir les ordures traquées et dégommées de manières franchement originales. Voir les méchants payer une addition à la hauteur de leur crime, c’est cathartique !

Ce qui m’a cependant fortement marquée, c’est ce regard respectueux, voire même idéalisé, que l’auteur porte sur ses victimes, car, plus que des survivantes, ce sont des guerrières avec une force de caractère extraordinaire pour parvenir à ce niveau de résilience et même au-delà, de courage pour affronter de face les responsables de leurs cauchemars. Encore ce côté fictionnel, car, dans la vraie vie, des blessures aussi profondes ne créent pas, je pense, de super-héroïnes badasses, et peut-être (mal?)heureusement, sans quoi on aurait un paquet de cadavres de gros connards sur les bras !

Tout ça pour dire que j’ai trouvé ce roman puissant et réussi, porté par la plume très cinématographique et directe de l’auteur qui, juste sous la surface, a eu le bon sens de mettre à l’honneur ces oubliées des « faits divers » : les victimes !

47 réflexions sur “« Survivantes » – Cédric Sire

  1. Avatar de Céline C. Céline C.

    Vous me faites flipper grave les filles … 🤣😂

    Euh juste une remarque pour Dame Lulu : #teampsychopathe et #teamboulette ça va pas être compatible, parce que s’il faut partir « défourailler » sévère pour se faire des méchants, hein, faut pas se prendre les pieds dans une racine de pin dans la forêt, là où on va sévir … j’dis ça 🤪

    Désolée Nath ! Merci pour cette belle chronique. Je ne suis pas fan de l’auteur (j’ai trop peur) mais ce que tu nous dis de ce roman m’intrigue, le côté réflexion sur le thème de la vengeance m’intéresse.

    Aimé par 2 personnes

    1. Avatar de laplumedelulu laplumedelulu

      #jesuisunepsychopathe et #teamboulette, c’est pour mieux tromper l’ennemi. Prendre son air bête et faire comme si de rien n’était, Céline, ce n’est pas donné à tout le monde. On se cachera sous nos auréoles. Je t’assure que ça donne des idées.

      ce n’est pas une histoire seulement de défouraillages, c’est plus profond que ça. ☺️

      Aimé par 2 personnes

      1. Avatar de Céline C. Céline C.

        Ah mais quelle bonne idée ! nous cacher sous nos auréoles, j’adore 🥰😉

        Concernant le roman, c’est noté Dame Lulu, je vais peut-être me lancer dans cette histoire ; Nath et toi m’avez convaincue, en mettant en avant ce côté plus profond, notamment sur ce thème de la vengeance et de ce que cela implique.

        Aimé par 1 personne

Répondre à Ludivine Annuler la réponse.