« Mémoires d’un expert psychiatre » – Angelina Delcroix

Lu en : Avril 2025

Angelina Delcroix fait officiellement partie de mes auteures préférées ! Une fois de plus, elle a réussi à me déstabiliser suffisamment pour que je n’aie aucune certitude avant qu’elle ne le décide ! Pour cela, elle utilise Adam Jacuri, un expert psychiatre respecté. Un homme de terrain, de convictions, qui doit prendre ses décisions vite, avec un degré de certitude qu’il devra défendre, alors que lui-même ne peut jamais être sûr à 100%.
Et ce doute-là, ce léger frisson au creux de la nuque, c’est exactement celui que l’on ressent en suivant Adam, page après page. Car, chez le médecin aguerri, quelque chose craque. Lentement, d’abord, imperceptiblement, puis ensuite brutalement.

Le roman nous plonge dans les souvenirs d’un homme en fin de parcours professionnel, à l’aube de la retraite, alors qu’il décide de poser ses valises et ses vieux démons en Bretagne, près de la forêt de Huelgoat. Une mise au vert un peu prématurée, mais la vie vient de lui réserver l’une des mauvaises surprises dont elle a le secret, à travers le cancer de son épouse. Huelgoat sera-t-il ce havre de paix tant espéré ? Pas vraiment. Car très vite, des disparitions inquiétantes agitent la région. Et quand Adam commence à soupçonner un ancien patient, la frontière entre sa lucidité et ses hantises devient floue. Trop floue.

Angelina Delcroix joue habilement sur l’ambiguïté. L’expert si sûr de lui vacille à mesure que l’enquête progresse. Et l’on doute. De lui. De ce qu’il voit. De ce qu’il tait. De ce qu’il imagine. On ne sait plus à quel saint se vouer, comme lui, d’ailleurs ! Et c’est génialement inconfortable !

Et si le fond est brillant, la forme n’est pas en reste. La plume d’Angelina est vive, précise, mais jamais clinique. Elle sait doser la tension, planter un décor sans lourdeur, installer le doute sans sombrer dans l’excès. Elle suggère plus qu’elle n’assène, et c’est peut-être là que réside sa plus grande force : elle écrit la psychologie et le suspense sans jamais oublier l’humanité. Car Adam a payé un lourd tribu à son métier, sacrifiant trop souvent sa vie familiale. Et l’auteure s’attarde sur ces choix, souvent difficiles, rarement sans conséquences.

À travers les souvenirs d’Adam se repose la question de la responsabilité pénale, et de ce qu’est la folie, ce fourre-tout dans lequel le commun des mortels est prompt à caser tout ce qu’il ne parvient pas à comprendre ! Et alors même que l’on aime taxer de folie des actes indicibles, on rouscaille dès que la folie devient prétexte à éluder les peines.

L’auteure nous met dans cette position embarrassante où l’expert doit trancher : maladie mentale avérée ? Manipulation ? La psychiatrie ne dispose d’aucun test génétique qui pourrait, à sa place, formellement statuer ! En cela, le roman provoque le malaise et rappelle surtout qu’un expert, aussi formé et rigoureux soit-il, n’est jamais à l’abri de l’échec intime, du doute professionnel… ni du mal, quand il se glisse par les failles.

Un roman où le doute s’infiltre à chaque page, et où ni l’expert ni le lecteur ne savent vraiment à quoi se fier… La seule à garder le cap pendant la tempête, c’est celle qui l’a provoquée : l’auteure. Nous, on tâtonne dans le noir, et elle, elle tisse sa toile. Et quand le piège se referme, on applaudit ! Bravo, Angelina !

23 réflexions sur “« Mémoires d’un expert psychiatre » – Angelina Delcroix

  1. Wahou quelle chronique !! J’adore ! 😉 Merci à toi… 🙂 et tu me rappelles par la même occasion que ce livre est dans ma PAL depuis un moment et qu’il va vraiment falloir que je l’en sorte ! Ce sera un vrai rescapé de ma PAL ! 😉

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  2. J’ai beaucoup aimé cette lecture, lue avec Audrey. Je me souviens encore de l’effroi que j’ai ressenti en découvrant une scène particulièrement touchante pour Adam. J’aime beaucoup quand tu dis « c’est génialement inconfortable » car c’est vraiment le ressenti que j’avais pendant la lecture, celui de ne pas savoir distinguer les faits, car on nage entre folie et raison mais la frontière est parfois mince. Ta chronique est juste super, merci Nath d’avoir réveiller ce souvenir de lecture pendant quelques instants. 😊

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