« Je ne suis pas d’ici » – Nathalie Lecigne

Lu en : Juin 2025

Il y a un longtemps que j’avais envie de tester la plume de Nathalie Lecigne. Et quand j’ai observé l’accueil incroyable réservé à ce titre, je me suis dit que le moment était enfin venu…

Rapidement, j’ai compris qu’ici, j’étais plutôt en présence d’un roman qui se ressent jusqu’au plus profond du cœur. Un roman qui, dès les premières lignes, happe et étouffe et pousse toujours à tourner la page, malgré l’angoisse grandissante et la certitude du drame qui se joue sous nos yeux. Non, nous ne pouvons pas l’empêcher… et c’est bien là le plus terrible !

D’un côté, il y a Marie. Huit ans. Une enfant sans enfance, qui survit dans une ferme paumée au fin fond de nulle part, sous la coupe d’un homme brutal, Georges, et de son fils, qui semble aussi taré que son père. Elle n’est « pas d’ici »… Du moins, c’est ce que son corps, son âme, lui crient tous les jours. Pourtant, elle n’a connu « qu’ici »… Alors, elle reste. De toute façon, à son âge, pour elle qui n’a jamais connu que les limites de cette ferme et de ces hommes rustres et violents, l’inconnu fait encore plus peur que le quotidien, si horrible soit-il. Jusqu’au jour où elle découvre, dans la cave de la maison, un autre enfant…

De l’autre côté, il y a François. Un père brisé par la disparition de sa fille, Pauline, deux ans plus tôt. Un père que l’on croit à terre, mais qui finira par se relever. Parce qu’il a touché le fond, mais qu’il garde l’espoir qu’un indice enfoui, qu’il découvrira finalement par hasard chez ses propres parents, puisse devenir une piste qui, peut-être, lui ramènera Pauline.

Deux histoires, deux trajectoires, deux urgences. Deux battements de cœur désynchronisés, mais appelés à se croiser. Et, au milieu, une terre hostile, une maison de l’enfer, un lieu d’enfermement physique et mental. La plume de Nathalie Lecigne ne fait pas dans le sensationnel : elle est juste, précise et pudique. Et c’est justement ce qui fait mal. Très mal.

Ce roman, c’est aussi une ode à la ténacité. Celle de Marie, une gamine d’une résilience inouïe. Celle de François, un père qui refuse l’oubli dans lequel il pourrait si facilement se perdre pour de bon.

Entre les lignes, les lecteurs liront une tragédie qu’ils seront bien incapables d’arrêter. Comme un cri qui résonne en écho au malheur des héros. Celui de ceux qu’on déracine, qu’on isole, qu’on détruit à petit feu. Mais c’est aussi, quelque part, une promesse de révolte et de survie. Un ultime sursaut de volonté.

Non, il n’y a pas de beaucoup de lumière dans ces lignes. On sait où l’on va. Et pourtant, on ne peut pas détourner les yeux. Et c’est là, à mon sens, la grande force de ce récit.

22 réflexions sur “« Je ne suis pas d’ici » – Nathalie Lecigne

  1. Quelle chronique époustouflante !Rien qu’à te lire j’ai le coeur brisé pour la petite Marie coincée dans son enfer, sans sompter cette Pauline du sort de laquelle tu ne dis rien pour mieux nous tenir en haleine.Voilà c’est malin, maintenant je suis comme le chien devant son écuelle !

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