Lu en : Aout 2025

Ce n’est plus un secret par ici : je suis très attachée à John Grisham, surtout à ses livres qui savent pointer du doigt les dysfonctionnements criants de cette si grande Amérique. Alors, lorsque j’ai découvert la plume de R.J. Ellory, j’ai immédiatement retrouvé ces mêmes émotions de lecture : cette capacité à installer une atmosphère, à nous plonger dans une Amérique sombre et tourmentée, peuplée de personnages qui portent le poids d’histoires souvent plus grandes qu’eux, mais qui font preuve d’un idéalisme comme on aimerait en croiser plus souvent. Et puis, surtout, cette manière de nous parler, sous couvert de fiction, de justice, de faute, de rédemption… et d’ouvrir chez le lecteur une réflexion qui dépasse le simple plaisir du récit.
Avec Everglades, Ellory m’a une fois encore ramenée à ce terrain familier, celui où le suspense se double d’une lucidité implacable sur les travers d’un pays et sur la noirceur des hommes.
Dans Everglades, Ellory nous présente un homme, Nelson Garrett, blessé dans l’exercice de ses fonctions de shérif fin des années ’70. Une rééducation plus tard, il apparaît qu’un changement de carrière s’impose et, sur les conseils de son infirmière (et plus si affinités) Hannah, il postule au pénitencier d’état où le père et le frère de la jeune femme officient comme gardiens.
Dans cette prison sont censés régner l’ordre et la discipline, pourtant plusieurs « incidents » s’enchaînent : un suicide, une évasion… de quoi titiller les réflexes d’enquêteurs de Nelson ! Mais il ne fait pas bon avoir une opinion qui diffère de l’officielle dans cette zone de non-droits, et il est préférable de taire ses doutes. Entre l’envie d’une vie rangée, la pression familiale et sa propre conscience, Nelson Garett va devoir batailler. Plus encore lorsqu’il est affecté au couloir de la mort, cette zone hors du temps où des criminels attendent ou redoutent, selon les cas, que l’état mette en application la sentence fatale énoncée parfois bien des années plus tôt.
Ce que j’aime chez Ellory, c’est son art de peindre le noir en nuances. Dans ses récits comme dans la nature humaine, il n’existe aucun personnage entièrement sombre ou entièrement lumineux : chacun porte en lui cette coexistence fragile entre l’ombre et la lumière. Faut-il chercher à faire justice, quitte à s’attirer des ennuis, ou bien choisir la voie égoïste et enfouir ses dilemmes moraux ? Nelson Garrett, comme tant d’autres personnages de l’auteur, se retrouve au cœur de ce tiraillement, et c’est précisément ce qui rend son parcours si fascinant. Mettre en scène cette dualité universelle est l’une des grandes forces de l’auteur, tout comme sa capacité à rendre profondément attachants des personnages pourtant faillibles.
Bien sûr, qui dit couloir de la mort dit exécution. Et là, entre le frisson morbide et le dégoût viscéral, impossible d’y échapper : personnages comme lecteurs en prennent plein la tronche. Difficile de se persuader qu’il ne s’agit que d’un job quand le job en question consiste à ôter la vie de personnes punies pour avoir… ôté la vie !
Et bien évidemment, aucune exécution ne se fait « tranquillement », car la peine de mort a de tout temps fait débat. Opposer le châtiment au crime n’aura jamais le même impact selon le côté vers lequel on se situe : certains y voient une sanction nécessaire, d’autres une atteinte irréversible qui ne devrait pas relever de la justice humaine. Et pour notre héros, ça n’est pas plus simple de trancher, aussi éprouve-t-il ce profond besoin de se convaincre que les ordures qu’il lui appartiendra de griller l’auront bien mérité. Pourtant, chaque condamné lui renvoie cette question qu’il tente en vain d’étouffer : et si le verdict n’était pas si net ? La certitude devient alors un costume qu’il enfile et défait sans cesse, jusqu’à ce que Nelson se surprenne à regarder un homme du couloir autrement. Jour après jour, l’idée s’infiltre, froide et tenace, jusqu’à ce que le métier cesse d’être un rôle pour devenir, pour Nelson, une blessure qui ne cicatrise pas.
Ce que j’ai surtout aimé dans Everglades, c’est ce regard global qu’Ellory nous oblige à porter : la prison comme rouage d’un système trop politisé, les failles béantes de la justice, l’enfer carcéral où chacun survit comme il peut, même les gardiens. Rien n’est tout blanc ou tout noir, et c’est précisément là que ça pique : on referme le livre avec l’estomac noué et le cerveau en ébullition, incapable de se contenter d’un simple « c’est bien » ou « c’est mal ».
Merci, Monsieur Ellory, d’avoir, encore une fois, réussi à m’embarquer, à me déranger et à déclencher des débats intérieurs (oui, entre moi-même et moi-même…) !
L’une des scènes d’exécution est marquante au possible, sans surjouer, ça en fait sa grande force. Ellory est un grand conteur.
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Effectivement, il ne nous épargne pas mais n’en fait pas non plus un show. Ce dosage est sa force. Je me répète mais ça me rappelle tellement Grisham (une scène du genre dans « la sentence »).
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Très réussi, en effet !
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J’aime beaucoup ce qu’il fait et l’avantage, c’est que j’ai encore plein de titres à découvrir 😊
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J’ai beaucoup aimé l’ambiance de ce roman
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Oui, l’auteur nous immerge parfaitement !
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Autant j’adore John Grisham, sa plume et ses histoires, autant avec Ellory c’est compliqué pour moi. Mais je ne perds pas espoir d’apprécier un de ses romans (pour le moment mes lectures se sont soldées par des abandons, ce qui n’est pas très encourageant).
Merci Nath pour cette nouvelle belle et enthousiaste chronique
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J’admets qu’il m’est arrivé d’abandonner un Ellory 🙃. Mais les autres m’ont plu, même si je suis loin d’avoir tout lu !
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😉
Je retenterai !
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Bon, il va vraiment falloir que je me mette à lire R.J. Ellory. Je l’avais croisé au festival du thriller de Gujan il y a deux ans, sans oser aller lui parler. J’ai vu qu’il était de nouveau là cette année, j’irai lui prendre un livre et je le lirai dans la foulée (sinon, je vais encore reporter).
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Tu devrais trouver ton bonheur 😊
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J’avais adoré ce roman. Ravie de voir que tu l’as aimé, toi aussi. 🤩
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Oui, le thème est évidemment passionnant !
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J’espère avoir un jour le temps de lire ce dernier Ellory qui me tente furieusement.
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Je l’espère aussi, il est vraiment très bon !
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il faut que je m’y remette!
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Au livre ou à Ellory ?
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A Ellory😂
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Oki 🤣 oui, il a d’excellents titres, j’aime beaucoup même si je n’en ai pas encore lu temps que ça !
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J’ai lu ce nouveau roman de R.J Ellory, comme beaucoup d’autres romans de lui. A chaque fois il me bluffe. Je suis d’accord avec toi Nath, tout n’est pas noir ni blanc, les personnages sont comme dans la réalité. Le questionnement sur la peine de mort m’a beaucoup touché. Bref j’ai adoré 😉
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C’est un thème qui ne peut pas laisser indifférent et comme il est traité avec respect, ça passe très bien !
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Je l’ai également énormément aimé comme chaque fois avec R. J. Ellory. Merci pour ta très belle chronique…
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Il est très fort !
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tu es une tentatrice
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Oups pardon 😅
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Honte à moi, je n’ai encore jamais lu R.J. Ellory 😦
Mais ce que tu en dis me plait bien. Par quel roman me conseilles-tu de commencer?
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Il n’y a pas de honte ! 😊
Par contre, je n’ai pas tout lu de l’auteur, 4 seulement… mais on a eu une émission du pidcast de BePolar avec le club sang qui lui était consacrée, ça pourrait t’aider à choisir 😉https://podcast.ausha.co/un-certain-gout-pour-le-noir-1/le-club-sang-d-avril
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Comme toi, celui-ci a été pour moi un excellent Ellory.
Et je n’adhère pas toujours autant à ces différent bouquins….Mais là oui !
Et la scène d’ouverture est terrible mais tellement réaliste…
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Effectivement, il m’est arrivé aussi de ne pas adhérer à Ellory, mais on tient ici un bon cru 😉
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Nous sommes raccordées sur ce coup là ma Nath !
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Comme souvent 😉
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😁 yes
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