« Holly » – Stephen King

Lu en : Octobre 2025

Quel immense plaisir de retrouver la plume du King, mais, surtout, de retrouver Holly ! Cette héroïne atypique qui a littéralement pris vie dans le cœur des lecteurs, mais aussi dans celui du King lui-même (lui qui avait confirmé : « She was supposed to be a walk-on character, and she just kind of stole the book and stole my heart. »).

Holly Gibney, c’est une héroïne génialement inclassable. Mal à l’aise en société, elle navigue à vue parmi les codes sociaux qui lui échappent la plupart du temps. Aussi maniaque qu’anxieuse, elle aligne une belle collection de TOC, mais, derrière ce vernis fragile, Stephen King a glissé une force tranquille, un instinct de justice presque viscéral, de l’obstination à revendre et un courage à toute épreuve !

Une héroïne improbable, donc ! Et pour parfaire le personnage, Holly a été élevée par une mère autoritaire et manipulatrice : sur le terreau déjà fertile de son anxiété chronique, son enfance a fait éclore un bouquet de névroses du plus bel effet ! Mais Holly a enfin trouvé un équilibre : elle s’épanouit au sein de l’agence Finders Keepers, aux côtés de Pete Huntley et de la fraterie Robinson, Jerome et Barbara, avec en filigrane le souvenir bienveillant de son ami Bill Hodges.

Seule à l’agence, Holly réceptionne la demande d’une mère dont la fille Bonnie a disparu. On est en pleine pandémie de covid. Pete a chopé le virus maudit et tarde à s’en remettre, Jerome est en pleine négociation pour l’édition de son livre et Barbara perfectionne son don pour la poésie. Et Holly, elle, vient d’enterrer sa mère, emportée par le covid. Autant dire que les conditions sont loin d’être idéales pour se lancer dans une investigation, mais Holly n’hésite pas vraiment.

Et tandis que Holly s’enfonce dans une enquête aux ramifications rapidement tentaculaires tout en maîtrisant tant bien que mal sa peur du virus, nous, lecteur, faisons la connaissance de Emily et Rodney Harris, anciens professeurs d’université. Pas de surprises sur l’identité des coupables, le King nous présente d’emblée des monstres solidement barges ! Derrière leur vernis de respectabilité se cachent de dangereux criminels qui ne reculent devant aucune atrocité. Et plus on voit Holly se rapprocher d’eux, plus on a peur pour elle !

Fidèle a lui-même, le King ne craint pas d’égratigner le peroxydé ou ses sympathisants par de succulentes piques glissées ici et là. En même temps, au travers de rencontres de témoins, il dresse un portrait cru de l’Amérique du Covid face aux mesures sanitaires, aux vaccins. De la paranoïa à l’inconscience totale, en passant par le déni, ce texte nous ramène à une époque anxiogène pas si lointaine… L’auteur aime à placer ses intrigues dans un contexte social qu’il décrit sans fard et sans pudeur.

Le King n’oublie pas non plus de digresser, comme souvent, autour du métier d’écrivain. Un thème qui lui est cher et que j’aime toujours à retrouver dans ses pages. Olivia Kingsbury, l’un des personnages secondaires, en est le plus joli relais : touchante, lucide, et terriblement attachante !

Je suis venue au King assez tard, à quelques exceptions près. Ado, je le prenais pour le maître de l’horreur. Adulte, j’ai compris qu’il n’était pas le compositeur du mal, mais bien son meilleur chef d’orchestre. Il ne l’invente pas, il l’accorde, sur une partition qui n’a rien de surnaturel ! Car chaque variation du Mal absolu qu’il dirige puise malheureusement ses racines dans le pire des prédateurs qui soit : l’être humain.

Depuis quelques années, je profite du challenge l’ #automneduking de Tomabooks pour prendre rendez-vous avec l’auteur. Et chaque année, je me régale. Au fil du temps, j’ai l’impression de retrouver l’écriture de Stephen King comme on retrouve une vieille amie. On se voit rarement, mais chaque rendez-vous est un bonheur qui se conclut par un « on ne reste plus si longtemps sans se voir !« . Promesse sincère, certes, mais jamais tenue…

J’ai adoré Holly pour un tas de bonnes raisons techniques (la mécanique est huilée, hyper fonctionnelle, l’accélération finale extrêmement bien dosée, le ton est juste, le cynisme distillé avec parcimonie) mais surtout pour toutes les émotions que véhicule l’auteur au travers de cette incroyable Holly qui tient depuis quelques années déjà une place particulière dans mon cœur de lectrice !

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