« L’évangile des Ombres » – Nicolas Nutten

Lu en : Octobre 2025

Quand j’ai ouvert un dimanche matin L’Évangile des ombres, je n’avais pas prévu que ça finirait par m’arracher à mes obligations domestiques ! Les corvées ménagères sont restées à l’état de ligne sur la to-do list, et moi, je suis restée scotchée à mes pages.
Nicolas Nutten signe ici un roman aussi passionnant qu’intelligent, un texte qui déterre des vérités enfouies sous les habits de la foi et les silences de l’Histoire.

Tout commence en 1987, dans un coin des Hautes-Pyrénées, où un gendarme, Paul Sarda, a un accident. Ce qu’il croit d’abord anodin s’avère être la première fissure d’un drame aux répercussions bien plus profondes.

Le lecteur est ensuite catapulté à Barcelone, en 1939, dans une Espagne franquiste où la peur est devenue religion. On y suit Trinidad, jeune femme enceinte dont le mari, accusé d’anarchie, vient d’être arrêté. Enfermée, brisée mais pas soumise, elle incarne elle aussi une part des premières ombres qui infiltrent cette histoire.

Trente-cinq ans plus tard, c’est Raphaël, le fils de Paul, devenu commandant de police, qui reçoit une lettre qui claque comme un rappel à l’ordre : « Votre père savait. » Et soudain, c’est tout un passé qu’il faut rouvrir, avec ce qu’il charrie de honte, de peur et de secrets soigneusement rangés.

L’auteur alterne les temporalités avec une précision chirurgicale. Chaque saut dans le temps relance la mécanique sans jamais casser le rythme, chaque révélation tombe au moment exact où le lecteur reprend son souffle. Le roman ne se contente pas de dérouler une enquête : il fouille la mémoire collective, la culpabilité transmise, les compromissions dissimulées derrière les murs d’églises et de couvents.
L’auteur explore l’ombre d’une époque où la religion servait parfois de refuge… mais aussi de paravent aux pires horreurs.

« Ici, tout est fiction, mais tout est vrai », annonce le résumé. Et ce constat nous cueille avec force.

Ce qui rend L’Évangile des ombres si fort, c’est ce double mouvement : celui de la vérité qu’on exhume en payant le prix fort, et celui des personnages qu’on voit se débattre et chuter. Raphaël n’est pas un héros flamboyant, mais un homme qui avance entre colère, loyauté et besoin de comprendre. Paul, son père, est rongé par une faute qui n’aura sans doute pas de pardon possible, ou du moins pas dans ce monde-ci. Et autour d’eux gravitent ces familles, ces témoins, ces ombres qui ont survécu à tout… sauf au silence !

La plume de Nicolas Nutten est d’une efficacité redoutable : visuelle, nerveuse, calibrée pour ne jamais nous laisser poser le livre. Il ne cherche pas la démonstration, mais éveille notre curiosité en levant un coin de voile sur un abject fait historique qui a détruit des milliers de vies.

L’Évangile des ombres, c’est un polar qui interroge autant qu’il fascine, un récit où chaque page rappelle qu’il suffit d’un secret mal enfoui pour fissurer toute une existence. Et quand la lumière se fait enfin, elle n’a rien d’apaisant, bien au contraire.

C’est en apnée que j’ai terminé ce roman, dévoré d’une traite, et refermé avec ce sentiment ambigu d’avoir passé un excellent moment de lecture… et d’avoir une fois de plus honte de ce dont l’humanité est capable !

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