« L’empathie » – Antoine Renand

Lu en : Mai 2025

Lorsque l’on est victime d’un viol, il est crucial de trouver en face de soi un interlocuteur doué d’empathie. De ne pas entendre de questions insidieuses vous remettant en cause ou jugeant vos réactions. Ça, le duo formé par Anthony Rauch, dit « la poire », et Marion Mesny l’a parfaitement compris. Ils sont enquêteurs au sein de la brigade du viol. Les deux ont une histoire personnelle particulièrement complexe qui justifie leur volonté d’intégrer cette équipe en particulier. Pour l’heure, ils sont sur les traces de l’un des pires tordus qu’ils n’aient jamais rencontrés : Alpha. Lui n’a qu’une idée en tête : torturer et détruire ses victimes, chez qui il s’introduit par la fenêtre, sans aucune difficulté, quelle que soit la hauteur où elle se situe. D’ailleurs, plus c’est haut, plus il aime, car il n’a que faire d’un défi à la portée du premier venu.

Le lecteur suivra les policiers dans leur cheminement, mais aussi Alpha, qui est le mal incarné. Et pour mieux saisir leur personnalité, l’auteur nous offre la possibilité de plonger dans le passé de chacun.

Il faut savoir que ce livre a été un coup de cœur pour bon nombre de lecteur, il a réellement fait grand bruit à sa sortie. Curieuse comme je le suis, il était évident qu’il me tentait, ne fut-ce que par la noirceur et la puissance que les lecteurs relevaient inlassablement (et que je peux confirmer !). Mais mon appréhension quant au thème principal m’a toujours freinée, malgré la présence de ce titre dans ma bibliothèque.

Il est de notoriété publique que j’aime le trash, que l’ultra-violence dans mes lectures ne m’effraie pas, que mon seuil de tolérance est solidement élevé, surtout quand on sait que « le manufacturier » restera à jamais l’une de mes lectures préférées. Pourtant, cette fois, j’ai été profondément dérangée. Non par Alpha. Des monstres, la terre en est peuplée, et les réels dépassent bien souvent l’imagination des auteurs les plus audacieux. Moi, c’est Anthony qui m’a mise en rage. Il faut avoir lu pour comprendre. L’auteur a mis énormément de soin dans l’élaboration de ce personnage complexe. C’est à lui le premier que le titre du livre est dédié. L’empathie qu’il éprouve à l’égard des victimes, l’empathie que les lecteurs éprouvent à son égard. Tous les lecteurs. Mais pas moi. Je précise qu’il s’agit là d’un ressenti tout à fait personnel, chacun aborde ses lectures avec ses propres bagages émotionnels qui, forcément, influencent notre perception. J’aurais dû faire confiance à mon feeling qui me susurrait à l’oreille que ce livre n’était pas pour moi, alors même que mon ego de lectrice n’estimait pas acceptable de louper une lecture aussi plébiscitée.

Je me suis sentie à tel point secouée par ma lecture qu’au papier, j’ai fini par préféré le format audio, l’histoire m’accompagnant durant mes trajets exceptionnellement plus nombreux en cette période. Sur la construction narrative, la plume de l’auteur (et la voix de la version audio), rien à redire, et j’aurai plaisir à me pencher sur d’autres titres de l’auteur. Mais cette lecture m’a indéniablement mise mal à l’aise et a même fini par me révolter.

Une chose est sûre, nul ne peut rester indifférent face à ce livre, dans un sens ou dans l’autre. Et j’ai bien conscience d’être totalement à contre-courant. Mais je tiens à mon honnêteté et je confirme comme toujours que c’est mon histoire personnelle qui est à l’origine de ces émotions négatives, et pas l’auteur. Tout ça pour dire qu’il faut parfois être plus attentif à sa petite voix intérieure…

29 réflexions sur “« L’empathie » – Antoine Renand

  1. Avatar de Céline C. Céline C.

    Merci Nath pour cette chronique. Pourquoi à contre-courant ? Nos ressentis de lectures se mesurent à l’aune de nos vécus et du contexte, et de beaucoup d’autres choses. Et il faut toujours suivre son instinct …

    J’ai lu ce roman à sa sortie ainsi que le suivant de l’auteur. Mais je me suis arrêtée là. L’empathie était too much pour moi, une surenchère de ces personnages tous plus cabossés les uns que les autres, cette absence de nuances m’a beaucoup gênée, j’ai malgré tout achevé ma lecture pour les raisons que tu évoques. Mais a posteriori je sais que ce genre de lecture n’est plus pour moi.

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  2. Avatar de laplumedelulu laplumedelulu

    Ah ben tu vois, moi j’ai vraiment aimé cette lecture. Et pourtant le Manufactier est dans mon top du top. On a tous un vécu qui fait qu’on ressent les choses différemment. Si on avait tous le même avis, ce serait morne et sans sujet à défendre. Merci à toi pour ta franchise et le partage de la chronique 🙏 😘

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  3. Je viens de terminer le dernier thriller de l’auteur et il est très bien. J’avais découvert Antoine Renand avec son premier, « L’empathie » et j’avoue que je fais partie des lecteurs qui ont eu un coup de cœur !! Ma lecture est trop lointaine pour me rappeler exactement ce que tu veux dire (même en relisant ma chronique sur Babélio) mais je peux tout à fait te comprendre. Moi j’ai ressenti le même malaise avec le 3e thriller de cet auteur « S’adapter ou mourir ». Tout le monde adorait et moi je n’avais qu’une hâte c’était de l’avoir fini tellement j’étais mal. Et tu as entièrement raison, nos lectures se font au prisme de notre vécu et il faut toujours écouter sa petite voix intérieure, son instinct. Quand ça veut pas, ça veut pas !! Et encore une fois tu as raison, nos chroniques se doivent d’être honnêtes je trouve… Ce qui fera que quand on adore, et bien on adore vraiment et l’inverse ! ça donne plus de valeur à notre parole, à nos mots ! Merci Nath pour ta chronique sincère ! 🙂

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    1. Merci pour ce retour ! Si tu veux, on peut en reparler en off via insta (pour éviter de spoiler ici 😉). Mais oui, je pense que c’est important de s’écouter mais aussi d’être sincère par ici. Quand on lit autant que nous, impossible de crier au coup de cœur à chaque bouquin sans en perdre en crédibilité 🙃. En même temps, et c’est le cas de la plupart heureusement, ne pas aimer un livre peut être dit avec tout le respect dû au travail incroyable des auteurs.

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  4. J’avais beaucoup apprécié ma lecture à l’époque (2019) et même si je comprends très bien ce que tu évoque entre les lignes et pour avoir moi-même été victime… J’avais apprécié les enquêteurs, car finalement ne peuvent comprendre ce qu’une victime ressent qu’une personne qui est passée par là… C’est une manière de guérir de ses propres monstres.
    Je n’ai pas souhaité lire la suite, car je trouvais que c’était du voyeurisme et de la sur enchère gratuite. Certes ce n’est parfois pas nuancé… J’ai par là suite j’ai lu Fermer les yeux, et même si j’ai aimé, je m’aperçois que je n’ai aucun souvenir !

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  5. C’est marrant parce que ce que tu décris à propos de ce livre, je l’ai ressenti pour un autre roman de l’auteur, S’adapter ou mourir, qui m’a mise mal à l’aise, et disons-le, perturbée. Pourtant, j’ai terminé ma lecture (quasi un an après l’avoir commencée), et je l’ai même bien aimée. Mais voilà, moi qui voulais lire L’empathie, j’ai laissé traîner, sans doute car je suis consciente qu’il faut que je sois « en forme » pour lire ce genre d’histoire.

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  6. Je pensais que ce type de romans allait te plaire mais, effectivement, malgré les éloges généralisées, il est des romans qui ne sont pas pour nous.

    Si tu n’as pas aimé le personnage d’Anthony, je te déconseille de lire L’empathie 2 mais peut-être que d’autres romans de l’auteur pourraient te plaire…

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