Lu en : Juin 2025

Non, pas de Balzac pour moi ! Du moins, pas exactement… Car de Balzac, il en sera parfois question dans ce livre. Parce que Margot, séquestrée depuis trois ans, n’a plus que ses écrits comme compagnons. Son geôlier l’oblige à lui en lire chaque jour des pans entiers, tandis qu’il l’observe, à l’écart, fasciné par sa beauté et surtout par son regard d’or.
Mais ne vous y trompez pas : ce roman n’est pas une relecture poussiéreuse d’un classique. C’est un labyrinthe d’intrigues, de faux-semblants et d’obsessions, où chaque page creuse un peu plus la faille.

Ailleurs, apparemment sans écho ni miroir, d’autres récits se déclenchent.
Des parcours qui paraissent disjoints, du moins jusqu’à ce que le sort en décide autrement, et vienne nouer les fils d’un drame inéluctable.

Il y a Zed, jeune militant écologiste, lucide et révolté face à un monde qui court à sa perte.
Trop lucide, peut-être. Car pour faire entendre ce qu’il estime être un cri d’urgence, Zed commence à suivre un nouveau leader charismatique, plus radical, plus tranchant.
Un homme qui prône l’action choc, le coup d’éclat : tout casser, frapper fort, frapper haut. Pourquoi pas un Apple Store en plein Paris ?
Zed hésite, vacille. Mais il avance, poussé par l’urgence — et par son amour pour Elsa, qui, elle, ne doute pas du bien-fondé de ces mesures extrémistes.
Il ne le sait pas encore, mais l’engrenage est lancé.

Car un autre destin va venir percuter le sien : celui de Val, ex-mercenaire recyclé en artisan. Coincé dans un mariage qui n’a plus le moindre éclat et père d’un adolescent qu’il ne comprend pas — voire même qu’il méprise.

Il reste à vous présenter le gentil journaliste, Alban, dernier maillon de cette chaîne du destin et dont la réputation est parfois bancale à cause d’une vieille gaffe passée. Il enquête sur une série de féminicides et, soudain, a une intuition qui se mue rapidement en conviction. Il remuera ciel et terre, dans l’ombre, pour la prouver.

Quatre destinées, et quelques vies qui gravitent autour de ces acteurs principaux d’une tragédie en plusieurs actes.

Je dois admettre que, si j’étais emballée par le pitch, j’ai d’abord cru que ça ne passerait pas. La mise en place des personnages présente un Val passif. Il subit sa vie et la juge d’une façon qui m’a plus d’une fois fait pester : entre les clichés sur les épouses michetonnes, ceux sur les adolescents décérébrés et quelques remarques bien sexistes, j’aurais pu l’assommer sans remords s’il s’était trouvé à ma portée.

Ensuite vient Zed, écologiste convaincu sur le fond, mais pas forcément sur la forme. Et force est de constater que les discours radicaux n’ont pas trouvé d’écho chez moi, qui œuvre pourtant au quotidien pour cette noble cause (et tout cela sans jamais rien casser) ! Évidemment, il y a des choses qui se comprennent, mais de là à cautionner ces agissements…

Ok, ça semblait mal embarqué, mais très vite, un grain de sable vient perturber la mécanique bien huilée de mes convictions, et surtout, piquer ma curiosité  ! D’un coup, le château de cartes s’écroule, et ce crash est le début d’une série d’actions en cascade qui dévient brutalement la trajectoire de chaque protagoniste.

J’ai adoré suivre ces voix qui naviguent à vue ! Le roman est construit avec beaucoup d’intelligence, et une profusion de petits détails vient assembler un puzzle spectaculaire. Au-delà d’une intrigue minutieuse, chaque mot est choisi avec un soin particulier, et la plume est riche et puissante. Aucun des personnages n’est monochrome, et tous, tant bien que mal, tenteront de survivre aux chamboulements de leurs vies, quitte à en payer le prix fort.

Sans la proposition des éditions La Manufacture de livres, je serais passée à côté de cet excellent roman qui brille par son audace ! Alors je m’érige en redresseuse de torts autoproclamée, pour braquer un projecteur bien mérité sur ce récit qui mérite d’être lu !