« On ne mange pas les cannibales » – Stéphanie Artarit

Lu en : Juin 2025

Il y a parfois des rencontres qui doivent se faire… Persuadée que ce livre n’était pas pour moi, j’ai refusé la proposition de Belfond à sa sortie. Puis j’ai vu fleurir les avis tous plus convaincus les uns que les autres, et m’est revenu en tête cet adage populaire, simple, mais qu’on oublie parfois : « On ne juge pas un livre à sa couverture ! ». Car, oui, je l’avoue, cette couverture colorée me semblait trop éloignée de mes goûts littéraires.

Heureusement qu’un autre adage précise : « Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis ! » car, suite aux avis avisés (waw, je suis en forme ce matin ! 🤦‍♀️) de mes prescripteurs préférés, j’ai finalement opté pour un petit passage en librairie. Lu en lecture commune avec Isabelle et Aude, nous avons, chaque jour, carburé, débriefé, savouré cette lecture totalement atypique ! Laissez-moi vous raconter…

Nous sommes quelque part dans les années 70, et l’on suit Bambi, une jeune fille débrouillarde qui aime entrer par effraction au zoo, juste parce qu’elle s’y sent bien. Il faut dire que la présence des animaux, les plus dangereux soient-ils, est toujours plus rassurante que celle de sa drôle de famille. Son père n’est plus (oserais-je dire paix à son âme, au vu du personnage ?), sa mère, techniquement « est » toujours, c’est-à-dire qu’elle respire, mais un accident l’a réduite à l’état de légume. Et son frère aîné règne désormais en despote sur toute la fratrie, encore composée de jumeaux lourdement handicapés. Le zoo, finalement, à la maison aussi… Inutile de s’étendre sur la violence subie par Bambi. Elle est là, elle prend toute la place, et pourtant l’auteur ne la nomme pas, ne la décrit pas. Tout est suggéré, compris entre les lignes, et avec cette façon de faire, l’auteure prouve qu’il n’est nul besoin de narrer avec force détails scabreux ou gore. L’esprit du lecteur se charge bien d’horrifier quand elle-même s’accroche à la sobriété.

Mais pour Bambi, un rayon de soleil éclaire d’un coup sa vie en la personne de Noël Rivière, le directeur du zoo qui finit par lui tomber dessus à la suite de ses entrées répétées par effraction. Un deal se met en place entre eux, Bambi paiera sa dette en travaillant pour le zoo.

Bien sûr, je pourrais en dire plus, mais ce serait clairement criminel ! Sachez juste que la suite alternera entre conte de fée et tragédie, et, croyez-moi, le lecteur ne sera pas épargné !

En utilisant le zoo, et des noms d’animaux pour certains protagonistes, en donnant « la parole » à Adam, un singe violent tenu à l’écart de ses congénères, l’auteur analyse toute la complexité de l’être humain, dans ses meilleurs comme dans ses pires côtés.

L’écriture est toujours un peu moqueuse, prétendument légère, presque insouciante, et elle rend cette réflexion encore plus percutante ! De l’homme à l’animal, ou de l’animal à l’homme, finalement, il n’y a qu’un pas, qu’une ligne floue, que le destin s’amuse parfois à faire franchir en poussant dans le dos les âmes les plus nobles.

Humanité et bestialité se confondent dans ce dessin acerbe d’un monde où la violence règne en maître.
Les personnages de Stéphanie Artarit se sont gravés dans mon cœur, de la petite Bambi jusqu’à ses frères que le monde résume à « attardés mentaux », mais que l’amour définit tellement autrement !

Je pense que vous aussi savez lire entre les lignes, mais j’ai quand même envie de l’exprimer haut et fort : j’ai adoré ce bouquin d’une force incroyable issue d’une fausse simplicité d’écriture. Une merveille noire écriture à l’encre colorée qui, sous couvert de divertissement, mettra le lecteur mal à l’aise, le forcera à s’interroger.

Et rappelez-vous que si vous pensez que ce roman n’est pas pour vous, c’est exactement ce que je pensais aussi. Pourtant, je l’ai trouvé tout simplement magistral…

14 réflexions sur “« On ne mange pas les cannibales » – Stéphanie Artarit

  1. Avatar de Céline C. Céline C.

    Euh … l’inverse fonctionne aussi ! Je pensais que ce roman était pour moi (j’ai été embarquée par le résumé, mais juste le résumé …) et bien il n’était pas du tout pour moi 🤣😂

    Merci Nath 😘

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