« Dernier Cri » – Hervé Commère

Lu en : Septembre 2025

Il y a ceux qui suent pour trois francs six sous et gardent pourtant le cœur grand ouvert. Et puis il y a ceux qui les oublient, convaincus que la dignité se mesure au nombre de zéros sur la fiche de paie. Dernier cri, c’est cette fracture-là, racontée à hauteur d’homme, avec la lucidité d’Hervé Commère et la mélancolie de ceux qui n’ont plus grand-chose à perdre.

Dès les premières pages, on plonge dans un polar à la mécanique bien huilée : Etienne Rozier, c’est le genre de type qui se regarde dans la glace le matin sans trop de doutes sur sa supériorité : impertinent, un brin suffisant, persuadé d’avoir toujours un coup d’avance. Cet ex-flic devenu lobbyiste aime sa femme et ses enfants, mais il a pourtant prévu un week-end d’adultère. Il a peaufiné l’escapade dans les moindres détails, couvert par son ami. Ce qu’il n’a pourtant pas prévu, c’est que sa conquête, journaliste, soit assassinée pendant qu’il était sous la douche et que tout l’accuse ! Le voilà relégué au rang de coupable idéal, et sa belle assurance se délite…

Pour sauver sa peau, Rozier va devoir non seulement se cacher, mais aussi découvrir qui avait intérêt à faire disparaître la journaliste. Il découvre alors qu’elle menait l’enquête dans le milieu des travailleurs d’une entreprise textile basée à Elbeuf.

Commère en profite pour lever le voile sur une réalité qu’on ne veut plus voir : celle d’une population qui se lève tôt, s’épuise au travail, et garde pourtant un sens du collectif que les bureaux feutrés ont oublié depuis longtemps.
Elbeuf devient alors plus qu’un décor : c’est un retour du refoulé. Une ville crue, sans fard, où les rêves s’usent plus vite que les machines. Mais c’est aussi là que Rozier retrouve, malgré lui, un peu d’humanité. L’homme qui méprisait les marginaux découvre une forme de force et d’entraide qu’il n’avait jamais comprise.

Le meurtre, finalement, n’est qu’un prétexte. L’enquête avance à pas feutrés, suffisamment présente pour maintenir la tension, mais jamais envahissante. Ce qui compte ici, c’est la désillusion, le poids des origines, et cette étrange tendresse qui se cache parfois dans les coins les plus sombres. Pour autant, nous aurons toutes nos réponses en refermant le livre.

Hervé Commère signe un roman à la fois noir et brut, où chaque phrase semble trempée dans la sueur. Pas d’esbroufe, pas d’effets de style : juste la vérité nue, un peu sale, un peu triste, mais pleine de cœur.

En refermant Dernier cri, je me suis rappelé ce que je constate souvent dans mon métier : plus le travail est pénible, plus les gens sont bons. Ce roman, c’est exactement ça : un rappel que la valeur d’un être humain ne se mesure ni à son costume ni à son compte en banque, mais à la façon dont il reste debout, digne et droit, malgré la fatigue et la poussière.

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