« Celui dont le nom n’est plus » – René Manzor

Lu en : Mai 2025

Imaginez un cadavre tout chaud dépossédé de certains de ses organes, assassiné sauvagement, mais apprêté à passer de l’autre côté selon les rites funéraires propres à sa religion, et imaginez qu’à peine quelques heures plus tard, son meurtrier soit retrouvé, totalement incapable de se souvenir de son crime, mais profondément malheureux de la mort de sa victime, une personne tendrement aimée ? Mais surtout, imaginez que, quelques heures plus tard, le scénario recommence avec d’autres protagonistes… De quoi rendre fou l’inspecteur McKenna, flic bourru de Scotland Yard. Au boulot, le mec est une teigne, d’une efficacité redoutable. Mais à la maison, il n’est plus que l’ombre de cet homme, lui qui a perdu l’amour de sa vie des suites d’une longue maladie et qui doit maintenant élever seul ses fils, sans mode d’emploi et sans possibilités d’apaiser leur chagrin que lui-même éprouve avec tant de violence.

Pour le seconder dans son enquête, on lui adjoint Dahlia Rhymes, criminologue made in US qui en connaît un rayon sur les crimes rituels. Évidemment, Dahlia est également une écorchée vive, qui compose tant bien que mal avec une enfance passablement traumatisante et qui, de ce fait, refuse toute attache sentimentale… Jusqu’à sa rencontre avec Nils Blake, l’avocat qui décide de défendre les indéfendables, les victimes collatérales de cette série de meurtres : les meurtriers ! Cet homme, greffé du cœur, s’est littéralement métamorphosé depuis son opération : nouveaux goûts, talents surgis de nulle part, et surtout cette phrase qui m’a beaucoup fait rire (et qui m’a valu un grand moment de solitude en plein book club où les avocats sont assez bien représentés 🫣 ! #jesuisunboulet) : « Je ne peux plus mentir, Maggie. Et un avocat qui ne ment pas… il est au chômage. »

Un thriller à l’ambiance dérangeante, où l’horreur côtoie la tendresse, mélange détonnant s’il en est. Là-dessus, rien à redire : René Manzor maîtrise parfaitement sa plume et sait créer une intensité émotionnelle irréprochable. Certains sujets abordés (greffe, manipulation, rituels) sont franchement très intéressants, et assez bien mélangés.

Mais. (Bah oui, il y a un mais.)

Ayant commencé par les titres récents de l’auteur (À vif, Du fond des âges), j’en attendais peut-être plus. L’idée est brillante, la matière est riche… mais j’en ressors avec trop de questions, comme si le roman soulevait des mystères sans vraiment vouloir ou pouvoir y répondre. Trop survolé, donc, à mon goût.

L’intrigue, bien qu’originale, manquait également de rythme pour moi, surtout dans une période où j’ai peu de temps pour lire et où j’ai donc besoin que ça avance vite. Cependant, l’issue tragique, voulue assez prévisible, donne cette impression douloureuse d’impuissance face à la fatalité – un choix narratif que je pense assumé, et qui rend la lecture agréablement frustrante pour le lecteur. Cette frustration et les personnages sauvent l’ensemble. Attachants, complexes, les héros portent à eux seuls une bonne partie de la tension dramatique. Le duo Rhymes/Blake, notamment, dégage une belle alchimie malgré un démarrage forcément chaotique !

Et puis, il y a cette surprise, dans les toutes dernières pages… Celle-là, je ne l’avais pas vue venir. Elle vient cueillir le lecteur là où il ne s’y attend plus, et c’est sans doute pour ça que, malgré mes réserves, ce roman va me rester en tête. Un sentiment mitigé, finalement, mais je me demande si j’avais vraiment choisi le bon moment pour cette lecture dont tant d’amies pensent le plus grand bien !

30 réflexions sur “« Celui dont le nom n’est plus » – René Manzor

  1. Avatar de Céline C. Céline C.

    Merci Nath pour ce retour ! J’aime beaucoup cet auteur et je me disais que je ne connaissais pas cet opus là (du coup s’il date de 2015 je comprends mieux 😉)

    Mais non tu n’es pas un boulet 😅 tu es, comment dire, nature peinture, c’est bien cela, non ? Perso, j’adore 🥰

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  2. Avatar de laplumedelulu laplumedelulu

    Je ne me souviens plus si je l’ai lu ou pas. 😂 Il est sûrement quelque part mais où ? C’est vrai que nos goûts changent avec le temps et la maturité. 😊 Merci à toi pour le partage de la chronique 🙏 😘

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  3. J’ai découvert il y a un moment maintenant René Manzor par ce livre et j’avais adoré !! Du coup depuis, j’ai tout lu de cet auteur, et en règle général, j’aime tout… Même si j’ai mes petites préférences. Je suis contente que tu ais été tout de même cueillie à la fin par l’auteur ! Merci pour ta chronique sincère 🙂

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  4. Je n’ai pas encore lu cet auteur mais ses livres ont l’air percutants, en tout cas les mises en scènes semblent toujours très… sanglantes peut-être, je n’ai pas le mot. 😁 Les sujets sont intéressants avec ce roman, mais dans l’idée de le découvrir je garde une préférence pour A vif qui m’intrigue pas mal aussi.

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