« Écorces Vives » – Alexandre Lenot – Lauréat du Prix Première !

Lu en : Janvier 2019

écorces vivesEt voilà qu’aujourd’hui, c’est non sans émotions que je peux enfin m’exprimer quand aux lectures réalisées durant le Prix Première, et je commencerai par celle-ci, puisqu’il s’agit tout simplement du gagnant du prix que nous avons eu le grand plaisir de remettre en ce doux jour de Saint-Valentin !

Tout d’abord, un petit mot sur l’aventure qui a conduit à la nomination de ce titre comme Prix Première 2019 ! Je savais déjà, grâce à la blogosphère, que le ressenti de certains lecteurs pouvait m’aider à appréhender différemment une lecture. C’est clairement ce qui c’est passé durant ce prix, où j’ai fait abstraction de mes propres ressentis et préjugés pour tenter d’aborder avec neutralité des lectures qui m’avaient a priori moins plu qu’à d’autres. Et clairement, ce fut le cas pour ce livre…

Écorces Vives est paru chez Actes Sud, dans la collection Actes Noirs. Pour moi, cette collection est synonyme d’atmosphères sombres et étouffantes. Si l’on retrouve bien sûr cet aspect dans Écorces Vives, ainsi qu’une narration de destins croisés qui m’a fortement rappelé un autre écrivain de cette collection, Víctor del Árbol, j’ai cependant eu l’impression que l’auteur restait en surface de ces eaux sombres, n’osant pas plonger en plein cœur de la noirceur, ne l’effleurant qu’à coup de métaphores et de sous-entendus. En première lecture, c’est aspect m’a dérangée. Je voulais du noir et je m’attendais à retrouver les ingrédients qui ont fait cette recette qui me plaît tant chez Actes Noirs. J’ai donc été déçue, même si j’ai reconnu la poésie du phrasé, la sensibilité des personnages, l’omniprésence du paysage, aussi magnifique que rude et que l’on peut considérer comme un personnage à part entière…

Dans Écorces Vives, Alexandre Lenot nous conte le quotidien d’exilés dans le massif central. Chacun à sa manière blessé par la vie, ils mènent une existence silencieuse de déracinés sous l’œil hostile de la communauté des villageois. Ellie, principalement, souffre d’avoir perdu la femme de sa vie. Par désespoir, il met le feu à la maison où il s’imaginait déjà voir grandir leurs enfants. Puis il devient une âme errante, sauvé in extremis de la dérive par une autre « écorchée vive », qui a elle-même trouvé refuge dans ce paysage austère pour échapper à ses propres démons. Démons qu’ils vont exorciser ensemble d’une étrange manière.

Lorsque nous avons débattu de ce livre avec les autres jurés, ils m’ont donné un tout autre ressenti que le mien. Les « novices du noir » ont apprécié ces drames effleurés, sans insistance, sans lourdeur, appréciant ne pas avoir à trop imager des scènes qui se seraient avérées trop crues si elles avaient été pleinement développées. Ils ont aimé l’ambiance un peu hors du temps qui fait que certains ont qualifié Écorces Vives de western rural. L’atmosphère est totalement irréelle dans cette bulle qui semble coupée de notre réalité qui, nous le savons pourtant, tire sa richesse de nos différences. Mais tout cela est invisible pour ces villageois qui attisent la haine et la violence à coup de préjugés. Les jurés m’ont donc ouvert les yeux sur ce message sociétal très fort caché dans les lignes d’Alexandre Lenot. Fort de cette sensibilité que j’ai faite mienne, j’ai décidé de relire ces lignes lorsque Écorces Vives a été déclaré gagnant du Prix Première. Non seulement parce que je voulais pouvoir discuter avec l’auteur, libérée de mes déceptions, et aussi pour m’imaginer comment ce livre pouvait être appréhendé par des lecteurs moins désireux que moi de plonger dans des bains constants d’hémoglobine (on ne se refait pas !). Et je dois avouer que, sortie de mes a priori, j’ai accueilli cette relecture avec un œil bien plus bienveillant. J’espère que le choix d’Actes Noirs ne sera pas défavorable à ce livre qui risquerait, tout comme je le fus au départ, de décevoir les puristes. Pourtant, je pense qu’Alexandre Lenot gagnerait à être connu, que sa plume envolée et lyrique a un bel avenir, et si j’ai appris une chose grâce à ce prix première, c’est que sortir de sa zone de confort peut mener à de très belles rencontres…

Et s’il est bien un moment que je retiendrai de cette aventure, c’est lorsque nous avons appelé l’auteur chez lui le 2 février dernier, à peine sortis de notre délibération, pour lui annoncer la nouvelle… Son émotion fut si communicative que pour un peu, on aurait pu croire que j’avais un cœur !!!

J’en profite pour remercier la formidable équipe du Prix Première (en particulier Eve et Laurent), bien sûr, mais surtout les autres jurés qui ont rendu cette aventure extraordinairement magique…. Merci, et je vous le promets, à bientôt !

Extrait : « (…) Et puis vint un adulte dont les gestes déplacés ne s’arrêtèrent pas au premier refus, ni au deuxième, ni plus jamais. Pas un inconnu, évidemment. Pas un monstre venu de la nuit, faisant irruption dans une vie fragile simplement parce que c’était là son trajet. Non. Un visage connu, elle ne dirait jamais qui, là depuis des années, comme en embuscade. (…) »

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