Rencontre Iris Noir – Maxime Chattam – 31/01/2024

Pour les habitués, vous savez qu’il existe un salon incontournable dans ma petite Belgique : le salon Iris Noir Bruxelles, qui a lieu le dernier week-end d’octobre. Depuis la première édition, les retours sont exceptionnels, et je suis extrêmement heureuse d’avoir intégré, dès la seconde année, l’équipe de bénévoles. Nous passerons sur les innombrables qualités des bénévoles 😅, j’en retiens surtout l’amitié et la bonne humeur ; et ce n’est finalement que le reflet de l’aura que véhiculent les trois organisateurs : Marc-Olivier Rinchart, Salvatore Minni et Jean-Pierre Verna, souvent appelés « les trois Mousquetaires » !

Et ces mousquetaires, ils aiment faire plaisir à leurs lecteurs. Aussi, en collaboration avec « La Librairie Noire« , Iris Noir monte d’autres projets un peu fous qui comblent de bonheur les amateurs de noir ! Sachez d’ailleurs qu’être membre de l’ASBL Iris Noir amène quelques privilèges, et je ne parle pas que d’une réduction sur le montant de votre panier d’achats 😉 !

Il y a eu des séances de dédicaces particulières (Olivier Norek, LP Sicard & Simon Rousseau), des dîners que l’on a pu partager avec nos auteurs préférés (Franck Thilliez, Sonja Delzongle, Gilles Marchand, …), nous avons même pris un goûter avec Barbara Abel ! Cette fois, les « trois mousquetaires » ont organisé une séance de dédicaces et un repas avec… roulement de tambour…. Maxime Chattam ! (Autant pour le scoop, c’est écrit dans le titre 😆.)

Je vous passe l’engouement qu’a provoqué cette annonce, obligeant les organisateurs à ouvrir une billetterie pour s’assurer qu’il n’y ait pas de déçus sur place qui auraient dû rentrer bredouille après une file de plusieurs heures… C’est que l’auteur se fait rare en salon !

Là où l’événement prend une allure magique pour moi, c’est quand j’apprends que les éditions Pocket, qui co-organisent l’événement pour la sortie de « La constance du prédateur » en format poche, me proposent, avant l’événement, de rejoindre quatre autres chroniqueurs pour partager une heure de rencontre avec l’auteur… Heureusement pour ma dignité, personne n’a filmé la danse de la joie qui a suivi cette annonce ! Le jour J, nous voilà donc, Julie (Musemanias books), Thibault (Le Belge qui lit), Pascale (Entre deux pages), et Frédéric Ernotte (La boîte) qui, lui, cumule également la fonction d’écrivain (on s’en souvient ici), réunis autour d’un Maxime Chattam souriant, attentif. Rapidement, il nous met à l’aise, nous aidant à démarrer une interview dans laquelle il se livre avec beaucoup de simplicité et de gentillesse. On découvre un homme, derrière l’auteur, qui, s’il est conscient de son succès, n’en reste pas moins d’abord et avant tout un conteur d’histoires…

Première info très intéressante : l’auteur s’est démené pour l’apparition d’un « macaron », comme on en voit sur les écrans, pour donner des recommandations d’âges sur les livres.

« Je ne veux pas qu’un enfant, ou même un lecteur ou une lectrice sensible qui a quarante ans (…) se prenne un de mes bouquins dans la tronche en se disant « Ah si j’avais su ! J’ai lu dix chapitres, je me suis imposé des trucs… je vais faire des cauchemars, (…), j’avais pas envie de ça ! Il aurait fallu dire que c’était violent à ce point-là ! » (…) je ne veux pas prendre les gens en traître, je veux qu’ils sachent. »

On glisse ensuite sur ce qui semble, à mon sens, une des caractéristiques principales de l’auteur : s’il veut faire quelque chose, il le fait !

« Oui, et tant pis si je me fais engueuler… « 

L’auteur relativise beaucoup sur la notion de succès, qui peut soit définir qu’on s’impose une ligne pour continuer à plaire, soit amener suffisamment de liberté pour faire ce que l’on a vraiment envie de faire, au risque de déplaire, au risque même de perdre des lecteurs.

« Oui, ok, mais moi j’ai besoin de ça ! (…) c’est mon équilibre personnel, j’ai besoin d’écrire ce qui me brûle les doigts, ce qui me fait vivre, ce qui me fait envie, et pas ce qu’on attend parce qu’on attend une énième histoire de Joshua Brolin. Je peux le comprendre, mais ce n’est pas ce que moi, je veux faire. »

L’auteur aime explorer différents styles, différentes émotions, pour notre plus grand plaisir de lecteurs !

Après quoi, l’auteur nous parle du « prix à payer » pour entrer dans ses personnages.

« Le tueur, je ne l’improvise pas. C’est le personnage le plus travaillé avant même d’écrire le livre. (…) Mais le plus dur, c’est de se mettre dans la peau de la victime, parce que là, je dois être à la fois cohérent dans la tête du tueur (…) mais avant tout, je suis elle, victime, terrifiée dans la tête, dans le corps, (…), c’est de la projection, de l’empathie, de l’imagination, et là, c’est dur… ce sont les moments les plus durs de l’écriture. »

Ce qui l’amène à nous confier que, parfois, la transition entre la journée de l’écrivain et le retour à la vie familiale nécessite un temps de décompression, même s’il admet qu’en cours d’écriture, il ne déconnecte jamais totalement de son histoire ou de ses personnages.

« Je n’aime pas sortir du livre. »

L’auteur confie également qu’à quelques exceptions près, il privilégie l’écriture de ses livres dans l’ordre.

« Je ne m’interdis jamais de dire non »

De temps en temps, il arrive que certains passages, qui lui semblaient parfaits au moment de l’écriture finissent par être supprimés, pour des tas de bonnes raisons. L’auteur dit ne pas hésiter, s’il s’agit d’une évidence absolue, à « jeter » ce qu’il faut de pages sans retour en arrière possible.

« Mon éditrice ne lit mes livres que lorsqu’ils sont terminés et que je suis sûr que c’est ce livre-là que je veux publier. (…) Je marche à la certitude, à la conviction. »

S’ensuit une discussion très intéressante sur le processus de publication, et l’auteur admet être très strict par rapport aux délais qu’il impose entre la remise du manuscrit et la sortie en librairie. Ce besoin d’aller vite est notamment lié à la nécessité de l’auteur à faire de l’espace pour pouvoir passer à autre chose, à un autre projet.

« La seule personne qui lit mon livre en cours d’écriture, c’est ma femme qui, elle, me fait des remarques sur un aspect purement humain. (…) Il y a un truc, parfois, sur lequel je suis moins attentif, je pense : ce sont les petits détails qui font la véracité des émotions, et ça, ma femme ne me laisse rien passer ! »

Mais s’il est une chose sur laquelle l’auteur est intransigeant, c’est la mécanique, car son but est de piéger ses lecteurs, de les amener à croire qu’ils ont compris où il voulait les emmener, pour mieux les surprendre encore !

L’auteur nous parle ensuite de ses expériences avec divers éditeurs, de ceux qui ne comprenaient pas forcément les codes du polar mais qui lui faisaient entièrement confiance, à ceux avec qui ça ne matchait tout simplement pas, jusqu’à arriver maintenant à une bonne alchimie avec son éditeur actuel, dans laquelle les points de vue sont expliqués et à qui l’auteur fait confiance. Nous évoquons aussi les contraintes actuelles, notamment autour d’une possible réédition de « Autre monde ». Faut-il ou non corriger un texte qui a plusieurs années, sous prétexte qu’actuellement, certaines choses ne passeraient plus ? Vaste question, à laquelle ni l’auteur ni nous n’avons la prétention de pouvoir fournir une réponse définitive, mais nous sommes toutefois tous d’accord avec les propos de Maxime Chattam concernant ses livres :

« Le livre ne doit pas être le reflet du temps dans lequel on est, il est le reflet de ce qu’on était au moment où on l’a écrit, et de la société de ce moment-là. (…) Si la société décide qu’à un moment, mon livre n’est plus adapté, c’est la société qui dégagera le bouquin. »

Nous dérivons alors sur « Lux » et sur l’accueil relativement extrême qui a notamment été réservé au personnage transgenre du livre, au sujet duquel on lui a, par exemple, reproché de céder aux besoins de la société :

« Quelque part, probablement que oui, j’ai envie d’en parler, mais parce que moi, ça me touche ! (…) C’est la vie, c’est le monde dans lequel moi je vis. Ce n’est pas céder aux modes. »

Dans tous les cas, nous sommes tous conscients qu’un livre reste une affaire de sensibilités personnelles, qu’il s’agisse de ce que l’auteur éprouve le besoin d’écrire, à la manière dont le lecteur le reçoit, qui peut de plus varier selon le moment où il part à la rencontre du livre !

« Ce n’est pas à l’auteur à tout faire pour que ses livres s’adaptent, mais c’est à lui à faire ce dont il a besoin, lui, (…) donc oui, parfois, c’est le reflet d’une époque, et parfois, c’est surtout le reflet de ce que l’auteur est à ce moment-là. »

Nous dérivons ensuite sur une discussion relativement intéressante sur les statistiques liées aux tueurs en série, mais comme c’est un élément qui apparaîtra dans un prochain roman de l’auteur, je n’en dirai pas plus…

Après encore quelques échanges concernant les réseaux sociaux, et surtout leur impact sur les cerveaux humains, il est temps de demander à l’auteur quel lecteur il est ! Alors, Maxime Chattam, il lit quoi ?

« Beaucoup de trucs scientifiques ! »

Après avoir été un lecteur assidu, l’auteur est devenu un lecteur exigeant et lit de moins en moins de romans depuis une dizaine d’années. Malgré tout, il reste marqué par l’écriture de Donald Ray Pollock, par exemple.

« L’auteur m’a mis une claque ! (…) c’est un génie ! »

L’auteur nous parle ensuite de sa manière d’approfondir les thématiques spécifiques qu’il traite dans ses livres, car il est extrêmement pointilleux sur ces sujets particuliers. Il s’appuie sur des sources, fait valider ses textes. Il documente réellement, sauf quand le sujet est imaginaire. L’occasion pour lui de nous partager quelques expériences de préparation vraiment fascinantes !

Nous arrivons au terme de cette rencontre, et j’en retiendrai la gentillesse, la passion, l’accessibilité et l’humour d’un auteur dont j’ai maintenant envie de dévorer l’intégralité des œuvres !

Avant de retrouver Maxime Chattam pour un moment privilégié au repas organisé en fin de soirée au restaurant Alice où s’était déroulé tout l’événement, les lecteurs venus nombreux ont partagé une séance de dédicace dont tous ressortaient avec des étoiles plein les yeux, chacun s’accordant à évoquer un vrai charisme qui a impressionné les plus espiègles d’entre nous !

Nous avons achevé la journée sur un conseil que nous, amateurs exigeants de polars, voulions faire à un autre lecteur tout aussi exigeant. Alors, après nous avoir entendus unanimement nous accorder sur notre dernier gros coup de coeur, Maxime Chattam est reparti avec un exemplaire (dédicacé, s’il vous plaît !) du dernier roman de Clarence Pitz, « Les enfants du Serpent » qui est allé rejoindre « Désobéissance » et « Mystère en Belgique », de Salvatore Minni, qu’il avait déjà emporté plus tôt. Ce joli moment a clôturé une journée riche en émotions pour laquelle je remercie encore les éditions Pocket et les trois merveilleux mousquetaires !

30 réflexions sur “Rencontre Iris Noir – Maxime Chattam – 31/01/2024

  1. Rhooo ça a du être sympa cette rencontre. Et je vois plein de beau monde autour de toi. Mais où est la photo où tu es seule avec Maxime, hein ?
    Moi au contraire j’ai trouvé très bien que notre auteur est un personnage transgenre dans son dernier titre, c’est plutôt cool d’ailleurs…Non ce qui m’a manqué c’est comment dire… plus de profondeur dans le thème abordé qui a mon goût mérité d’être plus consistant…. voilà !

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  2. Quelle belle interview ! J’aime beaucoup sa façon de voir les choses concernant la réécriture des textes en fonction de l’époque. En particulier quand il dit que le livre doit être le reflet de son époque et de son auteur, je trouve ca très juste. Vous avez tous l’air d’avoir passé un agréable moment en sa compagnie. Malgré sa présence restreinte dans les salons, il y a un côté très humble dans ses réponses je trouve. Merci d’avoir partagé cet instant avec nous Nath. 🙂

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